Dix mois après son éviction de Stellantis, Carlos Tavares rompt le silence dans son livre Un pilote dans la tempête, publié chez Plon. Dans une interview exclusive sur BFM TV, l’ancien patron du géant automobile présente ses excuses aux propriétaires affectés par le scandale des airbags Takata et les moteurs défaillants. Il critique également la transition forcée vers l’électrique en Europe et évoque un risque de rachat des activités locales par Leapmotor.
Ce plaidoyer personnel, mêlant regrets sincères et analyses incisives, lève le voile sur les coulisses d’un groupe qu’il a dirigé de 2021 à 2024, en pleine tempête industrielle.
Des excuses sincères, publiques et tardives
Dans l’interview BFM TV, Tavares ne tourne pas autour du pot. « Je présente mes excuses aux conducteurs de voitures Stellantis victimes des airbags Takata défectueux », déclare-t-il, la voix émue, en référence au méga-rappel qui touche des millions de véhicules depuis 2014. Ce scandale, lié à des explosifs défaillants, a causé 28 morts et coûté à Stellantis des milliards en rappels et réputation. Tavares admet une « erreur d’attention » sur les alertes qualité, qualifiant les problèmes de moteurs (PureTech) de « mal endémique de l’industrie ».
« Vous n’avez pas de constructeur sans soucis de qualité », ajoute-t-il, tout en défendant son bilan : sous son ère, Stellantis a investi 50 milliards d’euros en R&D, mais les rappels massifs (1,2 million Takata en 2024) ont terni l’image. Ces excuses, publiques et sans fard, contrastent avec le silence initial du groupe et pourraient apaiser les clients, mais ravivent les critiques sur la gestion post-fusion PSA-FCA (2021). « C’est un geste humain, mais tardif », commente un expert du secteur.
La transition électrique : Un pari « prématuré » et risqué
Tavares remet en cause la ruée européenne vers l’électrique, accusant les régulateurs d’avoir imposé un virage trop abrupt. « On était prêts pour l’électrique », clame-t-il sur BFM TV, mais les concurrents chinois comme BYD et Leapmotor ont creusé l’écart en batteries et coûts.
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En 2024, Stellantis n’a vendu que 15 % de VE en Europe contre 30 % pour Volkswagen (ACEA), et 20 % aux USA. Il évoque un « fossé significatif », regrettant que l’Alliance avec Leapmotor (20 % du capital pour 1,5 milliard d’euros en 2023) n’ait pas suffi à combler le retard.
« La Chine a invité le loup dans la bergerie », ironise-t-il, prédisant que si Stellantis faiblit, Leapmotor pourrait racheter les activités européennes. Une vision sombre, alors que le groupe, sous Antonio Filosa (CEO depuis janvier 2025), accélère en REEV et investit 13 milliards de dollars aux USA. Tavares, vigneron portugais, défend son rôle dans la fusion PSA-FCA, qui a sauvé PSA de la faillite, mais critique les « contradictions » actuelles : coupe sociale, externalisation controversée (Maroc, Inde) et fuites de talents vers BYD.
Un départ en solde : Revendications et révélations
Le livre, 240 pages, conteste la narrative de son départ en décembre 2024 : « En pleine promotion », Tavares dénonce un board « sourd » à ses alertes sur stocks et coûts. Il évoque des fuites de talents vers BYD et une politique de « job cuts » qui a miné la qualité.
« Les intérêts français que j’ai défendus ne le seront plus », regrette-t-il, pointant un déséquilibre France-Italie-USA. Stellantis, silencieux, avance : Filosa annule des investissements européens et nomme des ex-FCA. Le livre arrive en pleine tempête : chute de 33 % de parts en Europe (Reuters) et 20 % aux USA (CNBC) en 2024, plombé par Dieselgate-like et EV lent. Les 25 % de droits de douane US et la concurrence chinoise (BYD 1,6 M BEV T3 2025) pèsent lourd. Tavares prédit : La Chine rachète l’Europe, USA se recentre comme GM. Un scénario qui roule des mécaniques, mais alerte sur un géant « tiraillé ».
