La dernière décision de l’administration Trump en matière de droits de douane sur les véhicules importés suscite un tollé dans l’industrie automobile nord-américaine. Washington vient en effet d’accorder un traitement tarifaire préférentiel au Royaume-Uni, créant une inégalité jugée injuste par les constructeurs des États-Unis, du Canada et du Mexique, dont les économies automobiles sont pourtant profondément interconnectées.
Le Royaume-Uni favorisé, l’Amérique du Nord lésée
Dans le cadre d’un accord commercial conclu le 8 mai avec Londres, les États-Unis ont accepté d’abaisser les droits de douane sur les véhicules britanniques à 10 %, contre un taux pouvant atteindre 25 % pour ceux en provenance du Canada et du Mexique. Une limite annuelle de 100 000 véhicules britanniques est toutefois fixée, un seuil que le Royaume-Uni n’a pas dépassé depuis 2022, selon les données de S&P Global Mobility.
Les dirigeants britanniques de l’automobile ont salué cette décision, y voyant un soulagement bienvenu pour un secteur confronté à des incertitudes post-Brexit. Mike Hawes, directeur général de la Society of Motor Manufacturers and Traders, a déclaré : « L’application de ces droits représentait une menace immédiate pour nos exportations. Cet accord est un signal positif. »
Les constructeurs nord-américains montent au créneau
Du côté nord-américain, le ton est tout autre. Le groupe de pression American Automotive Policy Council, qui représente les trois géants de Detroit (Ford, General Motors et Stellantis), a exprimé sa colère. « Nous sommes déçus que l’administration ait accordé la priorité au Royaume-Uni plutôt qu’à nos partenaires nord-américains », a réagi Matt Blunt, président du Conseil. « Ce précédent pourrait nuire aux futures négociations avec l’Europe et l’Asie. »
Chris Feuell, PDG des marques Chrysler et Alfa Romeo chez Stellantis, a également exprimé ses inquiétudes lors d’une conférence organisée par Automotive News : « La question est désormais de savoir à quelle vitesse nous pouvons obtenir des conditions plus favorables pour le Canada et le Mexique, où nombre de nos usines et fournisseurs sont implantés. »
Des écarts de traitement problématiques
L’écart de traitement est d’autant plus problématique que les règles de l’accord USMCA (Accord États-Unis–Mexique–Canada) imposent des critères stricts d’origine. Les véhicules canadiens ou mexicains doivent intégrer au moins 60 % de contenu américain pour bénéficier d’un tarif équivalent à celui appliqué aux véhicules britanniques. Faute de quoi, ils sont taxés à 25 % sur la valeur totale du véhicule.
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À titre d’exemple, un véhicule britannique d’une valeur de 50 000 dollars sera soumis à 5 000 dollars de droits, quels que soient ses composants. En revanche, un véhicule équivalent venant du Mexique ou du Canada devra prouver son contenu américain pour espérer une fiscalité équivalente.
Vers une révision de l’USMCA en 2026
Une renégociation des termes de l’USMCA est prévue en 2026. Selon plusieurs experts, cette révision pourrait se transformer en véritable renégociation de fond. De nombreux industriels s’attendent à ce que l’administration Trump insiste sur des règles d’origine encore plus strictes.
Michael Robinet, vice-président chez S&P Global Mobility, se veut néanmoins optimiste : « Il est probable que le Canada et le Mexique obtiennent bientôt des conditions similaires à celles du Royaume-Uni. Ils ne sont juste pas encore passés les premiers. »
Une industrie en quête d’équilibre
Dans l’attente d’un rééquilibrage, les acteurs du secteur automobile nord-américain multiplient les pressions sur la Maison Blanche pour préserver l’avantage compétitif régional. Collin Shaw, président de MEMA Original Equipment Suppliers, insiste : « Le maintien d’une chaîne d’approvisionnement robuste en Amérique du Nord est notre priorité numéro un. Chaque pays de l’USMCA a un rôle unique à jouer pour que nous restions compétitifs face au reste du monde. »
En conclusion, Chris Feuell reste confiante : « Si des ajustements sont obtenus pour nos partenaires nord-américains, alors le reste de 2025 pourrait s’annoncer très positif. »