L’industrie automobile pleure la disparition de Louis Schweitzer, l’ancien PDG de Renault, décédé jeudi à l’âge de 83 ans. Cet homme d’exception, qui a dirigé la marque au losange de 1992 à 2005, a transformé une entreprise publique en un acteur majeur de l’automobile mondiale. Haut fonctionnaire, industriel audacieux et humaniste, Schweitzer laisse un vide immense dans le secteur et au-delà.
Renault, une révolution sous Schweitzer
Quand Louis Schweitzer prend la tête de Renault en 1992, après avoir rejoint l’entreprise en 1986, le constructeur traverse une période de turbulences. Énarque et ancien bras droit de Laurent Fabius à Matignon, il apporte une vision nouvelle. En 1996, il orchestre la privatisation de Renault, une étape décisive qui libère l’entreprise de ses chaînes étatiques et la propulse vers une ambition globale.
Son mandat est marqué par des coups d’éclat. En 1999, il scelle une alliance historique avec Nissan, posant les bases d’un partenariat qui redéfinit l’industrie automobile. Cette union, aujourd’hui élargie à Mitsubishi, reste un modèle de coopération internationale. Schweitzer mise aussi sur l’Europe de l’Est avec le rachat de Dacia en Roumanie, transformant la marque en un succès planétaire grâce à des véhicules abordables comme la Logan. L’expansion en Amérique latine, avec des usines au Brésil et en Argentine, consolide la présence de Renault sur des marchés émergents.
Pourtant, son parcours n’est pas exempt de polémiques. En 1993, la tentative de fusion avec Volvo tourne court, un revers qui freine ses ambitions européennes. En 1997, la fermeture de l’usine de Vilvorde, en Belgique, et ses 3 000 suppressions d’emplois provoquent un tollé. « On peut être patron et de gauche », déclarait-il, défendant ses choix avec une conviction inébranlable, toujours guidé par une stratégie à long terme.
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Une figure au-delà de l’automobile
Issu d’une famille illustre – petit-neveu d’Albert Schweitzer, prix Nobel de la paix, et cousin de Jean-Paul Sartre –, Louis Schweitzer incarnait un alliage rare de rigueur intellectuelle et d’engagement sociétal. Après avoir passé la main à Carlos Ghosn en 2005, il reste influent, intégrant les conseils d’administration de Volvo, BNP Paribas, L’Oréal et Veolia.
Homme de valeurs, il s’investit dans la cause animale en présidant, jusqu’en octobre 2025, la Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences. Dans un livre publié en 2020, il plaidait pour une approche éthique du bien-être animal, tout en marquant une distinction entre humains et animaux. À Marseille, il joue également un rôle clé à l’Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection, supervisant notamment la succession de Didier Raoult.
Un héritage qui roule encore
Louis Schweitzer n’a pas seulement dirigé Renault ; il l’a réinventé. En faisant de la marque un acteur mondial, il a prouvé que l’industrie française pouvait rivaliser avec les géants asiatiques et européens. Aujourd’hui, alors que Renault accélère sur l’électrification avec des modèles comme la Renault 5 E-Tech, l’empreinte de Schweitzer reste palpable. Son audace a permis au constructeur de naviguer dans un secteur en perpétuelle mutation.
À l’heure où l’automobile affronte des défis majeurs – électrification, intelligence artificielle, concurrence accrue –, le décès de Schweitzer résonne comme un rappel : l’innovation et le courage sont les moteurs du progrès. Président d’honneur de Renault, il laisse derrière lui une marque plus forte, plus globale, et un héritage qui continuera d’inspirer les routes de demain.
