Ce dimanche, juste avant que le dernier Grand Prix de la saison 2025 ne s’élance à Valence, Yamaha a mis fin à plusieurs mois de spéculation en officialisant son choix : à partir de 2026, la marque abandonnera enfin son moteur quatre cylindres en ligne pour basculer vers une architecture V4. Une décision lourde, presque historique, qui rompt avec des décennies d’ingénierie maison et qui marque un tournant majeur dans la stratégie sportive du constructeur.
Depuis des années, tous les adversaires directs avaient franchi le pas. Yamaha restait seule à défendre un bloc devenu un handicap plus qu’un héritage. Les performances globales, insuffisantes face à Ducati, Aprilia ou KTM, ont fini par pousser les dirigeants à revoir la copie.
Cette transformation, déjà testée cette saison par le pilote essayeur Augusto Fernandez à travers plusieurs séances et même quelques courses, entre désormais dans sa phase officielle : le V4 Yamaha prendra la piste en 2026. Et dès mardi, à Valence, un premier prototype sera mis entre les mains des pilotes titulaires pour les essais post-saison.
« Un nouveau chapitre » : Yamaha veut se réinventer
Takahiro Sumi, responsable du développement MotoGP chez Yamaha, n’a pas caché l’ampleur de l’enjeu.
Selon lui, le MotoGP évolue trop vite pour rester figé. « Le V4 représente un nouveau chapitre pour Yamaha, un chapitre qui associe notre esprit de défi à notre ADN de course, mais aussi aux solutions techniques nécessaires pour se battre aux avant-postes », explique-t-il.
L’objectif affiché paraît clair : offrir aux pilotes une moto qui peut réellement viser la victoire, et redonner aux fans la conviction que Yamaha reste une marque capable de jouer le titre.
Une machine quasiment définitive devrait être prête pour les essais de février à Sepang. En attendant, les pilotes Yamaha découvriront cette semaine une première version du prototype, tandis que l’arrivée de Toprak Razgatlioglu chez Pramac alimentera l’intérêt des essais.
Un changement qui ne convainc pas forcément Fabio Quartararo
Si Yamaha parle d’un tournant enthousiasmant, la réaction de Fabio Quartararo raconte une autre histoire, plus nuancée, presque froide.
Interrogé par Canal+ après sa chute à Valence, le champion du monde 2021 a montré qu’il préférait garder ses distances avec cette décision. Il pèse ses mots, mais le message passe.
« C’est surtout Yamaha qui fait le pari du V4 », dit-il, presque pour s’en détacher.
La formulation est légère, mais l’intention est lourde : ce choix, il ne l’endosse pas complètement. Il suit les indications de l’équipe. Il observe. Il attend.
Quartararo explique aussi que les performances vues cette saison ne l’ont pas impressionné. Finir « très, très loin », comme l’a fait Augusto Fernandez sur le prototype, n’a rien de rassurant. Et le Français ne cherche plus à dissimuler sa frustration. Depuis deux ans, Yamaha ne joue plus la victoire. Et cela pèse, surtout pour un pilote qui a déjà goûté au titre.
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Le discours de Quartararo ressemble à un avertissement poli.
Son contrat se termine fin 2026. Autrement dit, Yamaha a une saison pour prouver que ce changement d’architecture n’est pas une fuite en avant, mais un renouveau crédible.
Les premiers mois du prochain championnat seront décisifs, peut-être même déterminants pour l’avenir du Français.
Dans le paddock, beaucoup voient dans ses déclarations une manière de rappeler sa position : il n’attendra pas éternellement que Yamaha comble son retard. Le marché des pilotes bougera fortement en 2026, et le Champion du monde 2021 le sait. Tout le monde le sait.
Si Yamaha ne lui donne pas une machine compétitive, d’autres constructeurs le feront sans hésiter.
Une pression énorme sur Yamaha pour 2026
Le passage au V4 ne règle pas tout. Il ouvre une porte. Il crée une promesse. Mais il impose aussi un fardeau technique colossal.
Le moteur quatre cylindres en ligne avait ses limites, oui, mais Yamaha le maîtrisait parfaitement. Le V4, lui, change presque tout : comportement à l’accélération, stabilité au freinage, packaging général de la moto, gestion de l’électronique, intégration aérodynamique…
Construire un V4 performant n’est pas qu’une question de puissance brute. Ducati a mis des années à atteindre la référence actuelle. Aprilia a dû réinventer sa philosophie pour transformer son prototype en prétendant au titre. Yamaha démarre plus tard. Et avec moins de marge.
Le pari d’un renouveau… ou le risque d’un nouveau retard
En se lançant dans cette transformation, Yamaha prend un risque calculé, mais un risque réel.
C’est un nécessaire changement de peau. Une tentative de rattraper un train lancé à pleine vitesse.
Le constructeur sait qu’il ne peut plus revenir en arrière. Son avenir en MotoGP dépend du succès de ce moteur.
Et les réactions de Quartararo montrent que, même en interne, la confiance ne sera acquise qu’après les premières preuves tangibles.
Une saison 2026 déjà sous tension
La trajectoire de Yamaha se jouera probablement très tôt l’an prochain. Les premiers essais donneront un signal. Le début de saison en donnera un autre.
Si le V4 se montre compétitif, alors Yamaha pourra dire qu’elle a enfin renoué avec l’ambition.
S’il se révèle insuffisant, l’horizon s’assombrira, pour la marque comme pour son pilote vedette.
En attendant, Yamaha se prépare pour l’un des plus grands chantiers techniques de son histoire. Et Fabio Quartararo, lui, attend de voir si ce pari deviendra une renaissance… ou une déception de plus.
