Le constructeur Renault s’apprête à vivre l’un des tournants les plus critiques de son histoire récente. Selon plusieurs sources industrielles, le groupe dirigé par François Provost prépare un plan mondial de suppression de 3 000 emplois, inscrit dans une vaste stratégie baptisée « Arrow », destinée à restaurer sa santé financière.
Cette opération, pensée comme un électrochoc interne, intervient dans un contexte de pertes massives et de concurrence exacerbée, notamment face aux constructeurs chinois et à la transition électrique qui fragilise les équilibres économiques du secteur.
Le projet n’a pas encore été officialisé, mais son ampleur et ses implications sociales inquiètent déjà salariés et syndicats.
Un plan « Arrow » pour reprendre le contrôle
Selon les premiers éléments du dossier, « Arrow » cible avant tout les fonctions support — ressources humaines, finances et marketing — avec une réduction d’environ 15 % des effectifs dans ces services. Les usines de production seraient, pour l’heure, épargnées. Une orientation claire : réduire les coûts fixes sans compromettre la production industrielle, vitale pour le maintien des volumes et des marges.
Fin 2024, Renault comptait près de 98 636 salariés. Les 3 000 postes menacés représenteraient une coupe nette mais ciblée. Le constructeur privilégierait un plan de départs volontaires, évitant ainsi les licenciements secs et les tensions sociales qui pourraient ébranler davantage une entreprise déjà affaiblie.
Cette rationalisation vise à recentrer Renault sur son efficacité opérationnelle. Mais cette cure de rigueur pourrait aussi déstabiliser les structures internes, les fonctions support jouant un rôle clé dans la coordination et l’innovation.
Des pertes abyssales et un changement de cap brutal
Le premier semestre 2025 a été catastrophique : 11,2 milliards d’euros de pertes nettes, dont 9,3 milliards liés à la dépréciation de la participation dans Nissan. Ce coup de massue financier a accéléré la mise en œuvre du plan Arrow.
À cela s’ajoutent une demande européenne en recul et la pression des constructeurs chinois, qui gagnent du terrain grâce à des véhicules électriques bien plus compétitifs.
L’arrivée de François Provost, en juillet 2025, a marqué une rupture nette avec la gestion précédente de Luca de Meo, désormais chez Kering. Là où De Meo portait une vision créative et produit, Provost prône une approche financièrement disciplinée, tournée vers la consolidation et la rentabilité.
Le plan Arrow s’inscrit dans cette logique : simplifier, exécuter, réduire. Les actifs jugés non stratégiques, comme la participation dans Nissan, sont désormais remis en question. Ce repositionnement, nécessaire sur le plan comptable, risque toutefois d’affaiblir l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, déjà ébranlée par des années de désaccords stratégiques.
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L’automobile européenne à la croisée des chemins
Renault n’est pas seul dans la tourmente. L’ensemble de l’industrie automobile européenne subit une reconfiguration mondiale brutale :
- Des barrières douanières américaines qui freinent les exportations ;
- Une offensive chinoise dans le segment électrique à bas coût ;
- Et une transition écologique coûteuse, imposée par les réglementations européennes.
Dans ce contexte, la réduction d’effectifs devient un mal nécessaire pour financer l’innovation et la conversion électrique. Mais la stratégie reste risquée : trop de coupes pourraient affaiblir la capacité de Renault à innover, à un moment où Tesla, BYD ou MG misent tout sur la rapidité d’exécution et les investissements R&D massifs.
Une décision imminente et des négociations délicates
Le plan Arrow devrait être officialisé d’ici la fin de 2025. Les sites de Boulogne-Billancourt et plusieurs implantations internationales pourraient être touchés.
Renault prépare déjà un dispositif social d’accompagnement, combinant départs volontaires et reclassements internes. Mais la tâche s’annonce délicate : l’emploi reste un sujet hautement sensible en France, et tout faux pas pourrait rallumer la contestation sociale.
Les syndicats demandent des garanties sur la préservation des sites et des compétences. De son côté, la direction entend démontrer que cette restructuration est une condition de survie, pas une manœuvre de réduction à court terme.
L’avenir de Renault suspendu à un fil
Le plan Arrow n’est qu’un début. Renault doit encore prouver qu’il peut concilier rentabilité et transition énergétique, tout en renouant avec la confiance des investisseurs.
Des modèles stratégiques comme la Renault 4 E-Tech et la nouvelle 5 électrique symbolisent cette relance, mais leur succès dépendra d’une exécution sans faille.
Réduire les coûts ne suffira pas. Renault devra aussi réinvestir dans la recherche, renforcer ses alliances industrielles et séduire une clientèle plus écologique et connectée. La survie du groupe dépendra autant de la rigueur financière que de sa capacité à raconter une nouvelle histoire à ses clients et à ses salariés.
Un pari risqué, mais vital
3 000 emplois sur la sellette, une alliance fragilisée, une transition électrique encore coûteuse : Renault joue gros. Le plan Arrow pourrait être le tournant salutaire d’un constructeur en quête d’un second souffle — ou, à l’inverse, le début d’une mutation douloureuse pour toute une génération d’employés.
À Boulogne-Billancourt, le compte à rebours est lancé. Le sort de Renault se joue dans les semaines à venir, entre audace financière, pression sociale et survie industrielle.