Le lien entre Alfa Romeo et la Formule 1 est inscrit dans l’histoire des Grands Prix : Alfa Romeo a permis à Nino Farina de remporter sur sa Tipo 158 Alfetta le premier Championnat de Formule 1 de l’histoire en 1950, suivi par Juan Manuel Fangio sur Alfetta 159 qui remporte le titre en 1951.
La millième course
Le 13 mai marque l’anniversaire de la toute première course de Formule 1 jamais disputée, lançant l’un des grands mythes du sport automobile de notre époque. La première épreuve de la discipline (en 1950, à Silverstone) a d’ailleurs été célébré par la Fédération internationale à Shanghai le 14 juillet dernier à l’occasion de la millième course de Formule 1 de l’histoire mais aussi cette année pour les 70 ans de la discipline.
Entre 1950 et aujourd’hui, ce sont deux époques très différentes qui se font face : en 1950, les casques de protection n’étaient toujours pas obligatoire, il n’y avait pas de télévision et les spectateurs étaient débout le long de la piste. Aujourd’hui, le «cirque» de la Formule 1 est une industrie mondiale ultra-technologique, retransmise à 400 millions de téléspectateurs et d’internautes chaque saison.
Deux points communs subistent néanmoins : la passion du public, et Alfa Romeo … qui est revenue en Formule 1 en 2018 avec l’équipe Sauber et disputera la saison 2020 sous le nom d’Alfa Romeo Racing ORLEN.
L’Alfetta 158
L’Alfetta de 1938 était un bijou technologique. Son moteur 8 cylindres en ligne avec compresseur et carburateur triple corps avait été développé par Gioacchino Colombo, chef du département conception. La distribution était entraînée par un double arbre à cames en tête. Ce moteur était puissant, vif dans ses accélérations et très fiable.
L’utilisation d’alliages légers (elektron pour le bloc, acier nickel-chrome pour le vilebrequin) permit de réduire le poids du moteur à 165 kg. La boîte de vitesses était montée à l’arrière, dans le même bloc que le différentiel. Il s’agit du fameux schéma «transaxle», moins encombrant et qui assurait une répartition optimale du poids entre les deux essieux : une solution que la marque utilisera par la suite pour certaines de ses voitures de production.
La Seconde Guerre mondiale allait hélas interrompre la recherche et mettre fin à l’évolution de ces voitures. Mais les solutions techniques envisagées dans le projet étaient suffisamment sophistiquées pour être encore d’actualité après-guerre… et même, pour certaines , encore aujourd’hui.
La fuite vers Abbiategrasso
Les liens entre les Tipo 158 d’avant et d’après-guerre n’étaient pas seulement d’ordre conceptuel car les modèles d’après-guerre étaient littéralement les mêmes que ceux d’avant-guerre puisqu’ils avaient été cachés pendant tout le conflit.
Imaginez la scène : en 1943, Milan est occupée, les rafles et les arrestations s’intensifient de jour en jour. Un petit nombre d’Alfetta 158 sont encore en stock à l’intérieur de l’usine du Portello mais risquent d’être emportés comme butin de guerre par les Allemands. Divers techniciens et ouvriers d’Alfa Romeo décident de les mettre à l’abri et se préparent à les transporter dans des camions. Divers admirateurs passionnés de la Marque se portent volontaires pour en cacher un exemplaire, dont le champion de hors-bord Achille Castoldi qui avait établi un record du monde de vitesse en 1940 avec un moteur d’Alfa Romeo 158.
Mais un problème allait se poser. Au moment où le convoi était sur le point de partir, une patrouille de la Wehrmacht fit son apparition. Heureusement, le pilote d’essai d’Alfa Romeo Pietro Bonini était suisse et avait vécu à Berlin plusieurs années. Parlant avec assurance dans un allemand parfait et agitant un sauf-conduit, il allait sauver la situation et permettre aux camions de partir. Les Alfetta 158 seront ensuite emmenées dans des garages et des hangars de ferme pour être cachés derrière de faux murs ou des tas de rondins… attendant ainsi des jours meilleurs.
Les débuts de la Formule 1
Peu de temps après la fin de la guerre, ces mêmes Alfetta 158 sont ramenées au Portello et soigneusement remises en état afin de pouvoir reprendre la course. Et avec l’objectif de remporter la victoire, même si les circuits étaient provisoires et les championnats réduits. Entre 1947 et 1948, Nino Farina remporte ainsi le Grand Prix des Nations à Genève, Varzi le Grand Prix Valentino à Turin et Tossi triomphe à Milan. Le message est clair : l’Alfa Romeo est toujours la voiture à battre.
Le Grand Prix de Grande-Bretagne à Silverstone en 1950 est le premier des huit courses qui constituent le premier Championnat du monde de Formule 1. Des pays qui étaient en guerre les uns avec les autres quelques années auparavant sont cette fois réunis en un seul événement sportif : un moment véritablement historique. En particulier pour Alfa Romeo.
Les quatre premières places sur la grille de départ sont occupées par quatre Alfetta 158. Giuseppe “Nino” Farina gagne la pole position, signe le tour le plus rapide et remporte la victoire finale. Viennent ensuite Luigi Fagioli et Reg Parnell pour un premier podium de Formule 1 monopolisé par Alfa Romeo.
L’équipe des 3 F
La combinaison de la vitesse, de la maniabilité et de la fiabilité exceptionnelles des Tipo 158 en ont fait la création technologique ultime du moment en matière automobile. Lors de sa première apparition en 1938, elle disposait d’un moteur de 1,5 litre avec compresseur développant 185 chevaux. Pour son retour après la guerre, le compresseur passe à deux étages et le moteur atteint 275 ch puis 350 ch à 8600 tr/min en 1950. Grâce à son extrême légèreté, son rapport poids/puissance ne dépasse pas les 2 kg/ch, une valeur proche de celle de certaines voitures de sport actuelles.
Sa supériorité technique lui assure la victoire. Pour la presse, Farina, Fangio et Fagioli sont devenus «l’équipe des 3F», un trio imbattable qui écrase tous ses rivaux. Les trois As remportent tous les Grand Prix auxquelles ils participent, terminant douze fois sur le podium et réalisant cinq meilleurs tours. Comme le dira plus tard Giuseppe Busso, concepteur Alfa Romeo et collaborateur de Colombo, « notre principal problème était de décider lequel des trois pilotes devrait gagner la course du jour ».
Le 3 septembre 1950, pour le Grand Prix de Monza, Alfa Romeo teste les évolutions techniques destinées à la future Alfetta 159 développée pour le championnat de l’année suivante. Et cette nouvelle Alfetta débute par une victoire. A son volant, Nino Farina devient ainsi le tout premier champion du monde de Formule 1.
L’Alfetta 159
En 1951, le championnat ne livre son verdict que lors de la dernière manche, au terme d’un long duel entre Alfa Romeo et Ferrari. Après 17 ans, le phénoménal moteur Alfetta atteint ses limites en termes de développement mais pour les courses, les techniciens réussissent à en tirer le maximum, lui permettant d’atteindre les 450 chevaux ! Grâce à cet ultime effort et à ses extraordinaires pilotes, les 159 triomphent aux Grands Prix de Suisse, de Belgique, de France et d’Espagne, avec onze podiums et le meilleur tour le plus rapide à chacune des sept courses.
Les «3 F» et leurs victoires devinrent si mythiques qu’elles finirent par porter Alfa Romeo à l’écran. Les deux producteurs italiens les plus puissants de l’époque (Dino De Laurentis et Carlo Ponti) allèrent choisir les plus grandes stars du moment (Amedeo Nazzari et la superbe Alida Valli) pour les rôles principaux dans « Ultimo Incontro », un film tourné sur les circuits de Formule 1 et dans les bureaux de l’écurie Alfa Romeo. L’écrivain Alberto Moravia collabora aussi au scénario.
Le film sortit le 24 octobre 1951 et quatre jours plus tard, Juan Manuel Fangio, au volant de son Alfetta 159, remportait le Grand Prix d’Espagne et le titre de champion du monde. Sa deuxième victoire consécutive. Alfa Romeo avait remporté les deux premiers championnats du monde de Formule 1 de l’histoire… Elle pouvait alors se retirer de la compétition, invaincue, pour se consacrer à la production de voitures de série et de sportives d’une beauté imbattable…
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