Ford vient de dégainer un chambardement stratégique qui sent la poudre. Hier, lors d’une annonce choc au siège de Dearborn, le constructeur a nommé Jim Baumbick au poste de président de Ford Europe, effectif au 1er novembre 2025. Ce vétéran de la maison, passé maître dans le développement produit, prend les rênes d’une région clé mais chahutée, où les ventes patinent et la concurrence chinoise mord aux chevilles.
Dans un contexte de restructuration globale – avec des retraites annoncées et des arrivées de poids –, cette nomination n’est pas qu’un simple échange de chaises : c’est un signal clair pour accélérer l’exécution, coller aux attentes européennes et booster l’électrification. Mais Baumbick, avec son CV taillé pour l’innovation, aura-t-il les coudées franches pour inverser la tendance ?
Jim Baumbick, l’architecte du produit devenu stratège européen
Jim Baumbick, 52 ans, n’est pas un novice : il a gravi les échelons chez Ford depuis 1997, avec un passage remarqué comme global head of product development avant de prendre en 2022 les rênes de la vice-présidence Advanced Product Development, Cycle Planning and Programs. Dans ce rôle, il a piloté la roadmap des lancements mondiaux, en veillant à l’alignement des cycles de production et à l’optimisation des programmes – un sacerdoce technique qui a permis d’accélérer des projets comme le refresh de la F-150 Lightning ou l’expansion de la plateforme EV en Amérique.
À partir du 1er novembre, il rapportera directement à John Lawler, vice-président exécutif et CFO de Ford, pour tracer la feuille de route européenne : renforcer les partenariats locaux, développer des modèles sur mesure pour les consommateurs du Vieux Continent et fluidifier l’exécution des projets.
Baumbick arrive armé d’une expertise pointue en ingénierie produit, pile ce qu’il faut pour une Europe où Ford traîne des boulets – ventes en berne de 10 % au premier semestre 2025, plombées par la fin du Focus (retraite annoncée fin 2025) et une part EV encore modeste (15 % du mix). Son mandat ? Transformer Ford Europe en machine agile, en misant sur des co-développements avec des fournisseurs locaux comme Magna ou des alliances (rappelons le partenariat avec Volkswagen sur les plateformes EV).
Mais le défi est colossal : face à une Volkswagen revigorée par son ID. Golf et une Stellantis offensive avec la Fiat Grande Panda, Baumbick devra prioriser les hybrides rechargeables et les EV abordables, sans dilapider les budgets. Sur X, les réactions fusent : un insider tweete « Baumbick, le gars qui a sauvé la Mustang Mach-E, aux manettes en Europe ? Game changer ! », tandis qu’un sceptique raille « Trop tard pour le Focus, bon courage pour contrer BYD ». Son prédécesseur, Martin Rowley (depuis 2022), avait stabilisé les opérations post-Covid ; Baumbick, lui, est là pour l’offensive.
Une cascade de nominations : Ford Blue et la prod’ mondiale sous haute tension
Cette nomination n’arrive pas seule dans le grand jeu de chaises musicales de Ford. Sam Basile, transfuge de General Motors (où il était VP Global Product Programs depuis 15 ans), rejoint l’Ovale Bleu le 13 octobre pour succéder à Baumbick à la vice-présidence Advanced Product Development. Bryce Currie, actuel VP Americas Manufacturing, grimpe au poste de Chief Manufacturing Officer mondial, supervisant la sécurité et les usines globales – Kieran Cahill (Industrial Operations Europe) lui rapportera directement. Andrew Frick, président de Ford Blue et Model e, hérite de Lincoln, centralisant sous son aile toutes les unités retail (essence, hybride, EV). Enfin, deux retraités : Chuck Gray (Vehicle Hardware Engineering) et Darren Palmer (EV Programs), remplacés respectivement par Charles Poon et un intérim.
Ford signe ici une refonte holistique, alignée sur le plan Ford+ (lancé en 2022 pour +8 % de CA d’ici 2026). Baumbick en Europe s’inscrit dans cette vague : en centralisant la stratégie régionale, il évite les silos qui ont freiné des lancements comme le Puma hybride. L’arrivée de Basile, avec son bagage GM (où il a géré les cycles Chevy Bolt et GMC Hummer), injecte du sang neuf en R&D, crucial pour accélérer les EV face à Tesla et BYD. Currie comme CMO global ? Un must pour uniformiser les usines (Cologne, en Allemagne, vise 1 million d’unités EV d’ici 2030). Mais les retraites de Gray et Palmer soulèvent des questions : perte d’expertise EV au moment où l’Europe impose le Green Deal (zéro thermique en 2035). Économiquement, c’est cohérent – Ford cible 40 % d’EBIT en Europe d’ici 2027 –, mais socialement, en pleine grève aux US, ces moves pourraient agiter les syndicats européens (IG Metall en alerte).
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L’Europe représente 20 % des ventes Ford (1,2 million d’unités en 2024), mais le tableau est sombre : -12 % au T1-T2 2025, érodé par la concurrence asiatique (BYD +50 % de parts EV) et les tariffs UE sur les imports chinois. Le Focus, icône des compactes, tire sa révérence fin 2025, cédant la place à une offensive EV : Explorer électrique (2026), Capri SUV (déjà en préco) et une vague de vans Transit customisés. Baumbick hérite d’usines comme Blanquefort (France, en reconversion EV) et Cologne (Allemagne, gigafactory en vue).
Baumbick tombe dans un chaudron bouillant, mais son profil produit-oriented est un atout. L’Europe exige des VE locaux – autonomie >500 km, prix <35 000 € – et des hybrides pour les flottes (comme le Tourneo Custom plug-in). Avec l’exemption fiscale allemande prolongée jusqu’en 2035, Ford peut capitaliser, mais doit contrer la « Chine offensive » : des modèles comme la Seagull de BYD à 20 000 € menacent le Puma. Stratégiquement, Baumbick pourrait pousser des co-productions avec VW (sur la MEB), visant 30 % d’EV en Europe d’ici 2028. Sur le plan industriel, les usines comme Valencia (Espagne) risquent des coupes si les volumes ne suivent pas. Les analystes y voient un « pari rentable » : +15 % de croissance si Baumbick aligne innovation et lobby UE pour des subventions.
Impacts globaux : un leadership revu pour survivre à la tempête EV
Ces nominations interviennent alors que Ford boucle un T3 2025 en demi-teinte : +5 % de CA global, mais pertes EV à 1 Md$ dues à la surproduction Model e. En Europe, l’enjeu est vital : le continent pèse 25 % du CA Ford, avec des hubs comme le Royaume-Uni (Transit leader). Baumbick, en alignant stakeholders (gouvernements, syndicats), pourrait fluidifier les transitions – comme la reconversion de 2 000 jobs à Cologne vers l’EV.
Gagnants : les actionnaires, avec une équipe centralisée pour couper les coûts (économies visées à 2 Md$ en 2026). Perdants potentiels : les équipes européennes si Baumbick impose des rationalisations (risque de 5 000 suppressions, comme chez Renault). Écologiquement, c’est aligné : Ford vise carboneutre en 2050, avec Baumbick comme accélérateur pour les ZFE (Zones à Faibles Émissions). Sur X, l’enthousiasme est mitigé : « Ford Europe enfin un boss US pour booster l’EV ? », tweete un journaliste auto, quand un ouvrier allemand s’inquiète « Moins de Focus, plus de jobs en péril ? ». Globalement, c’est un pivot vers l’agilité, mais le test du feu viendra des lancements 2026.
Perspectives : Baumbick, le sauveur ou le réformateur impitoyable ?
Dès novembre, Baumbick s’installera à Cologne pour un premier audit : focus sur l’EV (Kuga électrique ?) et les utilitaires (Transit Custom hybride). Avec Lawler en backup, il aura du muscle pour négocier avec Bruxelles sur les normes CO2. 2026 pourrait voir une « renaissance européenne » : +20 % de ventes si les produits collent au marché.
À court terme, Baumbick stabilisera ; à long, il challengera : sans souveraineté batterie (partenariat avec CATL ?), Ford Europe risque l’asphyxie. L’enjeu transcende l’auto : jobs (800 000 en Europe), innovation et géopolitique (tariffs US-UE). Si Jim réussit, c’est un modèle pour les régions émergentes comme l’Afrique (Fiat Panda en Algérie). Sinon, c’est un nouveau chapitre de déclin.
Ford parie sur Baumbick pour un comeback européen tonitruant
La nomination de Jim Baumbick à la tête de Ford Europe n’est pas un caprice : c’est une réponse chirurgicale à une région en souffrance, dans un monde auto où l’électrique dicte la loi. Avec son expertise produit et une équipe remaniée, Ford envoie un message : on accélère, on innove, on survit. Mais les routes européennes sont sinueuses – Baumbick aura besoin de plus qu’un bon CV pour naviguer. Suivez les premiers pas de ce stratège made in Dearborn : l’Europe retient son souffle.