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dimanche, septembre 21, 2025
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    Les voitures électriques d’occasion : le cauchemar des vendeurs, le jackpot des acheteurs ?

    En 2025, le marché des voitures électriques d’occasion explose en volume, mais les concessionnaires crient au scandale : dépréciation record, stocks invendus et délais de revente interminables. Pourtant, pour les acheteurs malins, c’est l’aubaine du siècle. Plongée dans un paradoxe automobile où la transition verte rime avec casse-tête économique.

    Le marché automobile français est en ébullition. Avec la transition énergétique en marche forcée, les voitures électriques (VE) neuves inondent les showrooms, portées par des aides gouvernementales et des constructeurs aux ambitions décarbonées. Mais dans l’ombre des Model Y flambant neuves et des Renault 5 E-Tech à prix cassés, un autre marché fait parler de lui : celui des VE d’occasion. Souvent qualifié de « quasi invendable » par les professionnels, il révèle un paradoxe saisissant. Les chiffres montrent une croissance explosive des ventes, mais aussi des stocks qui s’accumulent, des prix en chute libre et une méfiance tenace des acheteurs. Alors, les VE d’occasion sont-ils vraiment un gouffre financier ou une opportunité sous-estimée ? Analyse en quatre temps.

    Un marché en croissance, mais encore fragile

    Sur le papier, le marché des VE d’occasion a tout pour plaire. En France, au premier semestre 2025, 80 732 véhicules électriques d’occasion ont trouvé preneur, soit une hausse de 36,6 % par rapport à 2024, selon L’Argus. Au deuxième trimestre, 39 872 unités ont été vendues, marquant une progression de 34 % (AVEM). À l’échelle européenne, la croissance annuelle atteint 54 % en 2024, avec 137 242 transactions (Avere-France). La Renault Zoé, reine incontestée, truste le podium avec 11 091 ventes, suivie par la Peugeot e-208 et la Fiat 500e, qui séduisent une clientèle urbaine en quête de compacité et d’économie.

    Mais derrière ces chiffres encourageants se cache une réalité plus nuancée. Les VE ne représentent encore que 2,5 % du marché global de l’occasion en France, loin derrière les thermiques. Pire, les volumes ont stagné au premier trimestre 2025 (-4 % par rapport à fin 2024), et les délais de revente s’allongent : 134 jours en moyenne pour écouler un VE d’occasion, contre 100 jours pour une essence ou un diesel. Aux États-Unis, le tableau est similaire : les VE d’occasion ne pèsent que 2 % des ventes, malgré une explosion de l’offre.

    La croissance est réelle, mais le marché reste marginal et fragile. Les acheteurs, séduits par les aides (jusqu’à 5 000 € de bonus écologique en France) et les offres de leasing à 100 €/mois, se tournent vers l’occasion. Mais la méfiance et les stocks invendus freinent l’élan.

    Une dépréciation qui fait trembler les concessionnaires

    S’il y a un mot qui hante les professionnels de l’automobile, c’est dépréciation. En 2025, les VE d’occasion perdent de la valeur à une vitesse alarmante : 58,8 % en 5 ans, contre 45,6 % pour l’ensemble du marché automobile, selon iSeeCars. En France, les prix ont chuté de 17,4 % en 2024, soit une perte moyenne de 4 600 € par véhicule. Début 2025, le prix moyen d’un VE d’occasion s’établit à 20 490 €, en baisse de 6,44 % depuis janvier (chiffres L’Argus). Aux États-Unis et au Royaume-Uni, c’est encore pire : certains modèles, comme le Jaguar I-Pace, perdent jusqu’à 72,2 % de leur valeur en 5 ans.

    Prenons l’exemple de la Renault Zoé, star du marché français. Achetée neuve autour de 25 000 €, elle se revend 15 000 € après trois ans, soit une décote de 30 à 40 %. Les modèles premium ne sont pas épargnés : les Tesla, plombées par les baisses de prix des versions neuves, dégringolent encore plus vite. La Poste, avec ses 6 000 VE d’occasion mis sur le marché chaque année, peine à s’en débarrasser, saturant les stocks des concessionnaires.

    Pourquoi une telle hécatombe ? Pour les professionnels, c’est un « cauchemar ». Les concessionnaires accumulent des pertes, car les VE invendus s’entassent sur leurs parcs, parfois à 3,8 fois le niveau de la demande. Les contrats de leasing, où les VE coûtent 57 % plus cher à financer que les thermiques, aggravent le problème, avec des valeurs résiduelles surestimées qui se traduisent par des pertes sèches.

    La dépréciation des VE d’occasion est un frein majeur. Les concessionnaires, pris en étau entre des stocks excédentaires et des acheteurs hésitants, redoutent des faillites en cascade si la tendance persiste.

    Les raisons d’un marché grippé

    Pourquoi les VE d’occasion peinent-ils à séduire ? Plusieurs facteurs convergent pour expliquer ce blocage.

    • Évolution technologique fulgurante : Les nouveaux modèles, comme la Renault 5 E-Tech ou la Citroën C3 électrique, offrent des autonomies supérieures et des prix plus compétitifs, rendant les anciens VE obsolètes. La batterie, qui représentait 57 % du coût d’un VE en 2015, n’en pèse plus que 20 % en 2025. Mais l’angoisse d’un remplacement coûteux (7 000 à 20 000 €) plane toujours, refroidissant les acheteurs.
    • Infrastructures et perceptions : Avec une autonomie réelle souvent limitée (environ 300 km pour une Zoé), un réseau de bornes encore insuffisant et des prix perçus comme élevés, les VE d’occasion souffrent d’une mauvaise image.
    • Concurrence des neufs et fin des aides : Les baisses de prix sur les VE neufs (Tesla en tête) et la réduction progressive des subventions (bonus écologique en berne en France) inondent le marché d’occasion avec des véhicules off-lease, sans que la demande suive. Les hybrides, qui représentent 32,6 % des ventes neuves en 2024, captent une partie des acheteurs potentiels.

    Les VE d’occasion sont victimes d’un cocktail toxique : progrès technologiques rapides, infrastructures lacunaires et concurrence acharnée des modèles neufs. La perception d’un mauvais rapport qualité-prix persiste, malgré des coûts d’usage (électricité 4 fois moins chère que l’essence) avantageux.

    Opportunité pour les acheteurs, casse-tête pour les vendeurs

    Le tableau n’est pas tout noir. Pour les acheteurs, le marché des VE d’occasion est une mine d’or. Une Peugeot e-208 ou une Fiat 500e se négocie aujourd’hui à des prix proches des thermiques, avec des économies substantielles à l’usage. Aux États-Unis, des affaires comme une Nissan Leaf à 1 000 $ après crédit d’impôt (NYT) montrent que l’occasion démocratise l’électrique : 6 ventes sur 7 des VE par les particuliers passent par l’occasion.

    Mais pour les vendeurs, c’est une autre histoire. Les concessionnaires, asphyxiés par les stocks, réclament des mesures d’urgence : subventions spécifiques pour les VE d’occasion, comme le crédit d’impôt américain de 4 000 $, ou des garanties sur les batteries pour rassurer les acheteurs. À l’horizon 2030, la parité des prix entre VE et thermiques est attendue, mais d’ici là, les modèles anciens (Zoé, Leaf) risquent de rester des « invendables » si leur batterie montre des signes de faiblesse.

    Les acheteurs malins profitent de prix cassés et d’un marché en pleine expansion. Mais pour les professionnels, le risque financier est réel, et l’avenir dépendra de politiques publiques audacieuses et d’une amélioration des infrastructures.

    Un marché à double visage

    Dire que les voitures électriques d’occasion sont « quasi invendables » est exagéré, mais pas dénué de vérité. La croissance des ventes (+30 à 50 % par an) montre un engouement réel, mais la dépréciation record (jusqu’à 72 % pour certains modèles) et les stocks invendus plombent les professionnels. En 2025, le marché des VE d’occasion est un paradoxe : une aubaine pour les acheteurs, un cauchemar pour les vendeurs. Alors que l’Union européenne impose des normes CO2 toujours plus strictes et que les aides s’amenuisent, une question demeure : la transition électrique peut-elle réussir sans un marché d’occasion viable ? Pour les concessionnaires, la réponse urge. Pour les acheteurs, c’est le moment de saisir l’opportunité – à condition de bien choisir son modèle.

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    Faris Bouchaala
    Faris Bouchaala
    Journaliste Automobile - Rédacteur en Chef Adjoint
    Grand passionné d’automobile depuis mon enfance, mon objectif au quotidien était de trouver le moyen d'arracher le volant à mon père. Très peu de gens ont la possibilité de transformer leur passion en une carrière, et il se trouve que je suis l'un de ces quelques privilégiés. J’ai rejoint la presse spécialisée en 2010, après un parcours totalement loin du domaine, car au final c’est la passion qui l’emporte.

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