Le marché mondial des taxis autonomes avance à grande vitesse, mais l’Europe reste à l’arrêt. Alors que la Chine et les États-Unis multiplient les expérimentations et les déploiements à grande échelle, le Vieux Continent se montre nettement plus prudent. Cela n’empêche pas deux acteurs majeurs — Baidu et Lyft — d’annoncer en grande pompe leur arrivée en Allemagne et au Royaume-Uni dès 2026. Mais derrière l’effet d’annonce, la réalité réglementaire pourrait bien freiner cet élan.
Un marché qui fait rêver, mais pas encore prêt en Europe
Depuis plusieurs années, la Chine et les États-Unis occupent le devant de la scène en matière de robotaxis. En Asie, les rues de Pékin, Wuhan, Shanghai, Shenzhen ou Chongqing accueillent déjà des véhicules sans chauffeur, intégrés à la circulation comme n’importe quel autre service de mobilité. Aux États-Unis, Waymo (Google) et Tesla avancent leurs pions, déployant des flottes testées en conditions réelles dans plusieurs métropoles.
En Europe, le contraste est saisissant. Malgré des tests ponctuels de navettes autonomes, aucun cadre juridique pleinement opérationnel n’autorise aujourd’hui la circulation de taxis sans conducteur humain. Ce retard réglementaire pourrait mettre à mal les ambitions affichées par Baidu et Lyft.
L’écart entre les continents ne s’explique pas seulement par la prudence européenne, mais aussi par une différence culturelle face à l’innovation. La Chine et les États-Unis privilégient une approche « tester et ajuster », tandis que l’Europe impose un cadre strict avant toute généralisation.
Baidu et Lyft : une ambition calibrée pour frapper fort
Le 4 août, Baidu et Lyft annonçaient leur projet : déployer dès 2026 des flottes de robotaxis Apollo Go en Allemagne et au Royaume-Uni. Pour Baidu, il s’agit d’une première étape d’une stratégie d’expansion mondiale, après avoir déjà parcouru plus de 130 millions de kilomètres en conduite autonome sur le sol chinois. À Wuhan seulement, pas moins de 500 robotaxis circulent pour répondre à une demande croissante.
Cette expérience massive confère à Baidu un atout considérable. La technologie est éprouvée à grande échelle, un élément rassurant pour les investisseurs et les partenaires potentiels. Cependant, la transposition à l’Europe impliquera bien plus que de simples ajustements techniques : elle devra passer par un parcours réglementaire complexe.
L’obstacle du cadre légal européen
Le véritable verrou réside dans la réglementation. Le niveau 4 d’autonomie — celui qui permet à un véhicule de circuler sans conducteur à bord — n’est toujours pas autorisé en Europe. Un texte clé devrait entrer en vigueur autour de septembre 2025, ouvrant une porte, mais sous conditions strictes.
Les exemples passés incitent à la prudence. L’autorisation du niveau 3 avait été vidée de sa substance par des limitations drastiques : type de route imposé, plage de vitesse réduite, conditions météorologiques précises. Résultat : la fonctionnalité, sur le papier innovante, s’est révélée presque inutilisable au quotidien.
📖 Lire aussi :
Les opérateurs devront composer avec une mosaïque réglementaire. Chaque État membre pourra non seulement poser des conditions supplémentaires, mais aussi refuser l’autorisation. Cette lenteur décisionnelle pourrait transformer l’annonce de 2026 en horizon lointain.
Le Royaume-Uni, terrain d’essai plus favorable
Contrairement à l’Union européenne, le Royaume-Uni avance plus vite. Indépendant de Bruxelles, il a déjà multiplié les tests de conduite autonome. À Londres, par exemple, Nissan a mené des essais de robotaxis, prouvant que l’environnement urbain britannique pouvait accueillir ce type de service.
L’échéance de printemps 2026 annoncée pour le Royaume-Uni semble réaliste. Mais pour l’Allemagne, tout dépendra de la rapidité avec laquelle Berlin transposera la future réglementation européenne dans sa loi nationale.
Les opérateurs ont tout intérêt à privilégier le Royaume-Uni comme vitrine technologique. En cas de succès, cela pourrait accélérer la volonté politique d’autres pays européens, mais il faudra encore convaincre des autorités souvent frileuses.
Entre enthousiasme et réalité
L’annonce de Baidu et Lyft a tout d’un coup marketing destiné à prendre date dans l’esprit du public et des investisseurs. Mais il existe un fossé entre un communiqué triomphal et un service opérationnel dans une capitale européenne. L’expérience montre que la « broyeuse administrative » peut ralentir, voire bloquer, les projets les plus ambitieux.
Les prochaines années seront décisives. Le succès ou l’échec des premiers tests au Royaume-Uni pourrait déterminer la vitesse à laquelle les robotaxis s’imposeront en Europe. En attendant, la prudence reste de mise, tant pour les consommateurs que pour les acteurs industriels.
Un pari à haut risque
En visant 2026, Baidu et Lyft placent la barre haut. Leur technologie est prête, leur expérience est indéniable, mais l’Europe n’a pas encore dit « oui ». La clé résidera dans la capacité à naviguer entre contraintes légales, acceptation sociale et adaptation technique.
Pour l’instant, les robotaxis restent davantage une promesse qu’une réalité sur les routes européennes. Mais si le Royaume-Uni ouvre la voie et que l’Allemagne suit, alors 2026 pourrait bien marquer un tournant historique pour la mobilité autonome sur le continent.