Dans les couloirs feutrés du siège de Stellantis, une rumeur enfle. John Elkann, le président du groupe, aurait lancé la chasse au successeur de Carlos Tavares, l’actuel PDG dont le contrat s’achève début 2026. Une démarche que l’entreprise qualifie de « normale », mais qui intervient dans un contexte de turbulences, notamment sur le marché américain.
Carlos Tavares, l’homme qui a façonné Stellantis depuis sa création en 2021, se retrouve aujourd’hui dans l’œil du cyclone. Sous sa houlette, le groupe issu de la fusion entre PSA et Fiat Chrysler est devenu l’un des plus rentables du secteur. Mais les vents contraires soufflent de plus en plus fort, en particulier outre-Atlantique.
Le marché nord-américain, véritable vache à lait de Stellantis, montre des signes d’essoufflement inquiétants. Les ventes ralentissent, la part de marché s’érode, et les concessionnaires grondent. Un consortium de dealers américains est allé jusqu’à accuser Tavares de présider à une « dégradation rapide » des marques emblématiques du groupe, telles que Jeep, Chrysler, Ram et Dodge.
Face à cette situation, John Elkann, également principal actionnaire via la holding familiale Exor, ne cache plus son mécontentement. Si aucun changement immédiat n’est prévu, le processus de succession est bel et bien enclenché, avec Tavares lui-même impliqué dans la recherche de son successeur.
La tâche qui attend le futur PDG s’annonce titanesque. Stellantis doit jongler entre une demande faiblissante pour les véhicules électriques en Europe, une concurrence chinoise de plus en plus féroce, et un marché américain en berne. La recette Tavares, basée sur une réduction drastique des coûts, montre ses limites.
Aux États-Unis, le groupe fait face à une conjonction de facteurs négatifs : des stocks trop élevés, des problèmes de qualité récurrents, et une part de marché en chute libre. Natalie Knight, directrice financière du groupe, a d’ailleurs récemment qualifié la résolution de ces problèmes de « priorité absolue » jusqu’à la fin de l’année.
Mais les défis ne s’arrêtent pas là. Des menaces de grève planent tant aux États-Unis qu’en Italie, mettant en péril la production dans des sites clés. Dans ce contexte tendu, Stellantis tente de rassurer en annonçant un investissement de plus de 406 millions de dollars dans trois sites du Michigan.
La stratégie de Tavares, axée sur une efficacité à tout prix, commence à montrer ses limites. Les coupes budgétaires et les suppressions d’emplois soulèvent des inquiétudes quant à la capacité du groupe à innover et à maintenir ses revenus à long terme. L’idée de se séparer d’une ou plusieurs des 14 marques du groupe pour protéger les profits a même été évoquée, signe d’une situation qui se dégrade.
Le conseil d’administration de Stellantis, qui doit se réunir les 9 et 10 octobre aux États-Unis, aura fort à faire pour évaluer les plans de redressement de l’activité nord-américaine. Cette réunion pourrait bien marquer un tournant dans la stratégie du groupe.
L’ironie de la situation n’échappe à personne. Tavares, salué pour son efficacité post-fusion, se trouve aujourd’hui confronté aux limites de sa propre stratégie. Le cours de l’action Stellantis, qui avait atteint des sommets il y a six mois, a depuis chuté d’un tiers, reflétant les inquiétudes des investisseurs.
Alors que la recherche d’un successeur s’intensifie, une question demeure : qui pourra reprendre les rênes de ce géant automobile à l’heure où l’industrie fait face à des défis sans précédent ? Entre transition électrique, concurrence accrue et marchés volatils, le prochain PDG de Stellantis héritera d’une tâche aussi exaltante que périlleuse.
L’avenir de Stellantis se joue peut-être dès maintenant, dans les coulisses de cette succession annoncée. D’ici là, Carlos Tavares a encore quelques mois pour tenter de redresser la barre et laisser une empreinte positive sur le groupe qu’il a contribué à façonner.