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mardi, octobre 7, 2025
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    Véhicules électriques : L’Allemagne décide de prolonger l’exemption fiscale jusqu’en 2035

    L’industrie automobile allemande, pilier de l’économie teutonne, traverse une zone de turbulences inédite. Face à une concurrence chinoise impitoyable et une transition électrique qui patine, le gouvernement de Berlin sort l’artillerie lourde : une prolongation de l’exemption de taxe sur les véhicules électriques (EV) jusqu’en 2035.

    Annoncée hier par le ministre des Finances Lars Klingbeil lors d’une conférence de presse, cette mesure s’inscrit dans un paquet d’incitations urgentes pour relancer les ventes et sécuriser des emplois menacés. Mais est-ce un simple pansement sur une plaie béante, ou le coup de boost dont l’Allemagne a désespérément besoin ? Décryptage d’une décision qui pourrait redessiner la carte de la mobilité en Europe.

    Une exemption vitale prolongée : détails d’une mesure choc

    Selon Maximilian Kall, porte-parole du ministère des Finances, un projet de loi sera présenté dans les prochains jours pour maintenir l’exemption actuelle de la taxe sur les véhicules (Kfz-Steuer) pour les nouveaux modèles 100 % électriques jusqu’en 2035. Concrètement, cela concerne les EV immatriculés pour la première fois d’ici fin 2030, avec une exonération maximale de 10 ans ne dépassant pas le 31 décembre 2035 – une astuce pour encourager les achats précoces et éviter une ruée de dernière minute. Actuellement, cette exonération devait s’arrêter net le 1er janvier 2026, laissant les constructeurs allemands sans bouclier fiscal au moment où la demande stagne.

    Cette prolongation n’est pas qu’un geste cosmétique ; elle répond à un effondrement des ventes EV en Allemagne, qui ont chuté de près de 50 % au premier semestre 2025 après la fin brutale des subventions directes en 2023. En exonérant les EV d’une taxe annuelle moyenne de 100 à 200 euros, Berlin vise à rendre ces véhicules plus attractifs pour les ménages et les flottes d’entreprise, où les coûts d’usage pèsent lourd. Mais le coût pour l’État est estimé à 600 millions d’euros de recettes fiscales perdues d’ici 2029, un investissement risqué dans un contexte budgétaire tendu. L’enjeu ? Relancer un marché où les EV ne représentent encore que 18 % des immatriculations, loin des objectifs européens de neutralité carbone.

    Klingbeil à la manœuvre : « La future est électrique », mais à quel prix ?

    Lars Klingbeil, vice-chancelier et poids lourd social-démocrate (SPD), n’a pas mâché ses mots lors de son entretien avec l’agence dpa : « Pour avoir significativement plus de voitures électriques sur les routes dans les années à venir, nous devons mettre en place les bons incitatifs dès maintenant. » Il a martelé que cette exemption n’est qu’un pilier d’un « paquet fort » à discuter jeudi lors du sommet automobile présidé par le chancelier Friedrich Merz (CDU), réunissant patrons de l’industrie, syndicats et officiels. Au menu : des programmes de leasing social inspirés du modèle français pour rendre les EV accessibles aux classes moyennes et populaires, et une révision des règles de dépréciation accélérée pour les flottes d’entreprise (jusqu’à 40 % en année d’achat jusqu’en 2028).

    Klingbeil joue sur du velours politique. Cette mesure, promise dans l’accord de coalition CDU/CSU-SPD, répond aux pressions du VDA (Association de l’industrie automobile allemande), dont la présidente Hildegard Müller réclamait une extension rapide pour « sauver des emplois et l’innovation ». Pourtant, derrière le slogan « l’avenir est électrique », se profile une urgence économique : l’industrie auto emploie 800 000 personnes en Allemagne, et les usines comme celles de Volkswagen à Wolfsburg ou BMW à Munich saignent déjà de plans sociaux. Cette prolongation pourrait booster les commandes – on parle d’un gain potentiel de 200 000 unités par an – mais elle masque un dilemme : comment financer la R&D pour des batteries souveraines sans creuser le déficit ?

    Un secteur auto sous le feu des critiques : entre ambition verte et réalisme industriel

    Ce n’est pas une surprise : l’Allemagne, championne mondiale des exportations automobiles (près de 5 millions de véhicules par an), fait face à un raz-de-marée chinois. Des marques comme BYD ou Nio inondent l’Europe de EV low-cost, tandis que les tariffs douaniers US menacent les chaînes d’approvisionnement. Ajoutez à cela l’interdiction européenne des moteurs thermiques neufs dès 2035, que Merz qualifie déjà de « non réaliste », plaidant pour des hybrides et carburants alternatifs. Le sommet de jeudi, qualifié d' »Auto Dialogue », pourrait bien déboucher sur un plaidoyer pour assouplir les normes UE, au risque d’un clash avec Bruxelles.

    L’exemption fiscale est un pansement bienvenu, mais elle ne résout pas les maux profonds. Les constructeurs allemands, leaders en ingénierie premium, peinent à concurrencer sur le volume électrique : Volkswagen ID.3 ou Mercedes EQS restent chers, malgré des baisses de prix. Sur X (ex-Twitter), les réactions fusent – un investisseur en lithium y voit un « supercycle » pour les batteries, prédisant une explosion de la demande, tandis qu’un observateur auto déplore que cela profite surtout à VW, BMW et Mercedes au détriment de Tesla, peu implanté localement. À plus long terme, cette mesure renforce l’attractivité de l’Allemagne pour les investisseurs verts, mais elle exige une stratégie globale : infrastructures de charge (encore lacunaires hors autoroutes) et recyclage des batteries. Sans cela, l' »électrique made in Germany » risque de rester un slogan creux.

    Impacts économiques et sociaux : qui gagne, qui perd ?

    Le coût fiscal de 600 millions d’euros n’est que la partie émergée de l’iceberg. Cette extension pourrait générer des retombées positives : relance des ventes (visant 30 % d’EV d’ici 2030), préservation de 100 000 emplois dans la supply chain, et un signal fort pour les fournisseurs comme Bosch ou Continental, qui pivotent vers l’électrique. Côté consommateurs, c’est un allègement bienvenu pour les budgets familiaux, surtout avec l’inflation énergétique persistante.

    Les gagnants sont clairs : l’industrie auto traditionnelle, qui gagne du temps pour rattraper son retard sur la Chine (où les EV représentent 40 % des ventes). Mais les perdants potentiels ? Les contribuables ordinaires, qui paieront indirectement via des déficits publics, et les motoristes thermiques, dont les modèles hybrides pourraient être relégués au second plan. Politiquement, c’est un coup d’éclat pour la coalition Merz-Klingbeil, qui surfe sur l’urgence climatique sans froisser les syndicats. Pourtant, des voix comme celle de la ministre de l’Environnement Anna Lies alertent : prolonger les thermiques au-delà de 2035 diluerait les efforts anti-CO2. L’équilibre est fragile.

    Vers un sommet décisif : l’Allemagne en quête de renaissance

    Ce projet de loi arrive à point nommé, juste avant le sommet du 9 octobre, où Merz réunira les géants de l’auto pour un « plan Marshall » de la mobilité. Au-delà de l’exemption, on espère des annonces sur des subventions pour le leasing social et une offensive diplomatique à Bruxelles pour adapter le Green Deal. Klingbeil l’a résumé crûment : « Nous voulons que les meilleures voitures continuent d’être fabriquées en Allemagne. »

    Ce sommet pourrait être le turning point. Si Berlin aligne incitations fiscales, investissements publics et partenariats (comme avec Northvolt pour les gigafactories), l’Allemagne pourrait redevenir leader de l’électrique européen. Mais un échec – par exemple, un veto budgétaire ou des concessions excessives sur les thermiques – plongerait le secteur dans une crise plus profonde. Sur les réseaux, l’enthousiasme est mitigé : célébration pour le lithium et les batteries, scepticisme sur l’efficacité réelle. L’enjeu transcende l’auto : c’est l’avenir d’une économie exportatrice face à la décarbonation globale.

    En guise de bilan : un virage électrique audacieux, mais imparfait

    Prolonger l’exemption EV jusqu’en 2035 est une bouffée d’oxygène vitale pour l’industrie allemande, coincée entre ambition écologique et survie économique. Klingbeil et Merz misent sur des incitatifs ciblés pour accélérer la transition, mais le vrai test sera dans l’exécution : suffiront-ils à contrer BYD et Tesla ? Tandis que l’Europe scrute Berlin, une chose est sûre : l’automobile allemande n’a plus droit à l’erreur. Restez branchés pour les annonces du sommet – la route vers 2035 s’annonce électrisante.

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    Faris Bouchaala
    Faris Bouchaala
    Journaliste Automobile - Rédacteur en Chef Adjoint
    Grand passionné d’automobile depuis mon enfance, mon objectif au quotidien était de trouver le moyen d'arracher le volant à mon père. Très peu de gens ont la possibilité de transformer leur passion en une carrière, et il se trouve que je suis l'un de ces quelques privilégiés. J’ai rejoint la presse spécialisée en 2010, après un parcours totalement loin du domaine, car au final c’est la passion qui l’emporte.

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