Dans les ateliers de Wolfsburg, berceau historique de Volkswagen, le grondement des chaînes de montage pourrait bientôt laisser place à un silence assourdissant. Le syndicat IG Metall, poids lourd du paysage social allemand, vient de dégainer l’arme ultime : la menace d’une grève à partir du 1er décembre. Un ultimatum qui résonne comme un coup de tonnerre dans le ciel déjà orageux de l’industrie automobile allemande.
Au cœur de ce bras de fer, un enjeu crucial : la survie du modèle social qui a fait la force de Volkswagen depuis des décennies. D’un côté, une direction qui, sous la houlette d’Oliver Blume, cherche à tailler dans les effectifs pour restaurer la compétitivité du groupe. De l’autre, des syndicats arc-boutés sur la défense de l’emploi et des acquis sociaux.
Thorsten Groeger, chef négociateur d’IG Metall, a lancé un avertissement sans ambiguïté : « La direction devrait entourer une date en rouge dans son calendrier : le 1er décembre. Ce n’est pas seulement le jour où l’on ouvre la première case du calendrier de l’Avent. Les grèves seront possibles dès 00h01 ce jour-là. » Un choix de date qui n’a rien d’anodin, mêlant tradition allemande et menace syndicale dans une mise en scène savamment orchestrée.
Pour Volkswagen, l’heure est grave. Le groupe fait face à une conjonction de défis sans précédent : une demande atone en Europe, une concurrence chinoise de plus en plus agressive, et une transition vers l’électrique qui peine à décoller. La marque VW, joyau de la couronne, voit ses marges fondre comme neige au soleil. Face à cette situation, Oliver Blume, PDG du groupe, n’hésite pas à brandir le spectre de fermetures d’usines, une première dans l’histoire du constructeur.
Mais le chemin vers la restructuration s’annonce semé d’embûches. Chez Volkswagen, plus qu’ailleurs, le pouvoir des syndicats est inscrit dans l’ADN même de l’entreprise. Avec la moitié des sièges au conseil de surveillance et le soutien fréquent de l’État de Basse-Saxe, actionnaire à 20%, les représentants des salariés disposent d’un levier considérable.
Le choix du lieu des négociations, le palais historique de Herrenhausen à Hanovre, ajoute une dimension symbolique à ces pourparlers. Daniela Cavallo, présidente du comité d’entreprise, n’a pas hésité à convoquer les fantômes du passé, rappelant l’expropriation des fonds syndicaux sous le Troisième Reich. « Avec un taux d’intérêt moyen, ce capital, volé au mouvement ouvrier à l’époque, aurait généré des milliards d’euros au fil des décennies. Cet argent, notre argent, est aujourd’hui dans le groupe Volkswagen« , a-t-elle déclaré, mêlant habilement histoire et revendications actuelles.
Ce conflit chez Volkswagen s’inscrit dans un contexte plus large de remise en question du modèle industriel allemand. Des géants comme BASF ou Thyssenkrupp envisagent également de réduire leurs activités, confrontés à des coûts élevés et une concurrence accrue. Mercedes-Benz et BMW, autres fleurons de l’automobile allemande, ont récemment revu à la baisse leurs prévisions de bénéfices, plombés par une demande faiblissante en Chine.
Pour Oliver Blume, fraîchement arrivé aux commandes de VW, l’enjeu est de taille. Nombre de ses prédécesseurs ont vu leur carrière brisée sur l’écueil des relations sociales. Saura-t-il trouver un compromis entre les exigences de compétitivité et le maintien du pacte social qui a fait la force de Volkswagen ?
Alors que les négociations se poursuivent, une question demeure : Volkswagen parviendra-t-il à se réinventer sans renier son héritage social ? La réponse à cette question pourrait bien déterminer non seulement l’avenir du groupe, mais aussi celui de tout le modèle industriel allemand.
Dans les rues de Wolfsburg, l’ombre du 1er décembre plane déjà. Entre tradition de l’Avent et menace de grève, c’est tout un pan de l’histoire industrielle allemande qui pourrait basculer. Le compte à rebours est lancé.