Dans les couloirs feutrés de Wolfsburg, l’ambiance est à l’orage. Volkswagen, jadis symbole de la réussite industrielle allemande, tangue dangereusement. Tel un géant aux pieds d’argile, le constructeur automobile fait face à une tempête parfaite qui menace de faire voler en éclats le pacte social forgé il y a trois décennies.
L’équation est simple, mais sa résolution promet d’être douloureuse. D’un côté, des ventes en berne qui laissent deux usines de trop sur les bras du groupe. De l’autre, 300 000 emplois allemands sur la corde raide. Entre les deux, une direction qui jongle avec les chiffres et des syndicats prêts à en découdre.
Gunnar Kilian, DRH de Volkswagen, a lâché une bombe le 10 septembre dernier. Fini les garanties d’emploi jusqu’en 2029. Le couperet pourrait tomber dès juin 2025. Une annonce qui a l’effet d’un électrochoc dans un pays où le « modèle allemand » de cogestion est élevé au rang de dogme.
Mais voilà, le monde change. Tesla et BYD bousculent les cartes, tandis que la transition électrique s’apparente à un chemin de croix pour les constructeurs traditionnels. Volkswagen, pris dans cet étau, voit sa marque phare perdre de son lustre. C’est le serpent qui se mord la queue : moins de ventes, moins de marges, moins d’investissements, moins de compétitivité.
Face à ce maelström, la direction joue la carte de la survie. « Ramener les coûts en Allemagne à un niveau concurrentiel », martèle Kilian. Une litote pour évoquer des suppressions de postes qui ne disent pas leur nom. Mais c’est sans compter sur la résistance acharnée des syndicats.
Thorsten Groeger, négociateur en chef d’IG Metall, brandit un argument qui fait mouche : rompre les accords pourrait coûter près d’un milliard d’euros à l’entreprise. Un paradoxe qui n’a pas échappé à Daniela Cavallo, figure de proue des représentants des salariés. Sa promesse de « résistance farouche » résonne comme un défi lancé à la direction.
Dans ce bras de fer, le Land de Basse-Saxe, actionnaire à 20%, pourrait jouer les arbitres. Traditionnellement aligné sur les positions syndicales, son soutien sera crucial dans les négociations à venir. Un jeu d’équilibriste où chaque mot pèsera lourd.
Pour désamorcer la crise, Volkswagen tente un coup de poker : avancer les négociations salariales. Une manœuvre qui trahit l’urgence de la situation. Mais sera-t-elle suffisante pour apaiser les esprits échauffés ?
L’idée d’une semaine de quatre jours refait surface, tel un écho des années 90. Une solution qui permettrait de préserver l’emploi tout en réduisant les coûts. Mais à quel prix pour la compétitivité du groupe ?
L’issue de cette crise dépassera largement les frontières de Volkswagen. C’est tout le modèle social allemand qui est en jeu. Dans un pays où l’industrie automobile fait figure de baromètre économique, les secousses chez Volkswagen pourraient bien provoquer un séisme à l’échelle nationale.
Alors que les négociations s’annoncent âpres, une question demeure : Volkswagen saura-t-il réinventer son modèle sans sacrifier son ADN social ? La réponse à cette équation complexe déterminera non seulement l’avenir du groupe, mais aussi celui de toute une industrie en pleine mutation.
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