LAURENS VAN DEN ACKER - Directeur du Design Groupe Renault
LAURENS VAN DEN ACKER - Directeur du Design Groupe Renault

Laurens van den Acker, Directeur du Design Groupe Renault, est connu pour ses concept-cars illustrant une forte stratégie design. Il est reconnu pour avoir insufflé un vent de séduction dans la gamme Renault. Il est aussi suivi sur les réseaux sociaux pour ses sneakers. Et pour cause, chaque concept-car, chaque nouvelle voiture est accompagnée de… Sa paire de baskets assortie. A tel point que les sneakers sont devenus sa marque de fabrique, une expression de sa personnalité.

Pourquoi a-t-il décidé de porter des sneakers ? Pourquoi la personnalisation est-elle devenue aussi incontournable ? Quels liens existent entre une automobile et une paire de baskets ? Comment crée-t-on un véhicule aussi individualisable que Captur ? Comment le coq sportif et Renault collaborent-ils ? Voici ses réponses :

La personnalisation est une tendance forte d’aujourd’hui. Pourquoi est-elle devenue si importante ?

Il y a toujours eu une certaine pression du conformisme mêlée à une volonté d’affirmer son individualité. La naissance du look « punk » en est une parfaite illustration : en Angleterre, les étudiants allaient à l’école en uniforme. La seule chose qu’ils avaient le droit de modifier dans leur uniforme était leurs chaussettes, leurs chaussures et leurs cheveux. Les punks sont nés de ça : ils avaient une contrainte, ils ont développé une expressivité énorme dans le petit périmètre dont ils disposaient. Dans un monde où tout est fait pour nous mettre dans un uniforme, la personnalisation permet de s’exprimer et de montrer un peu ce qui se cache derrière cet uniforme. Je pense que c’est un besoin profond des gens, ils acceptent la conformité à condition de pouvoir y apporter une expression personnelle, c’est ça qui est au cœur de la personnalisation.

Ce phénomène est exacerbé chez le designer dans la mesure où les gens attendent de lui une signature. S’il a pour ambition de laisser son empreinte il doit développer sa spécificité. Il va être apprécié pour sa façon de voir le monde. Intuitivement le designer va incarner cette volonté. Si je prends l’exemple des baskets, c’est d’abord un choix de confort. Quand tu es sur un salon auto et que tu dois marcher des kilomètres, ce sont les chaussures les plus confortables. Mais la véritable raison remonte à mes débuts dans la vie professionnelle. Quand j’ai commencé à travailler et que j’ai mis mes premiers costumes, j’ai eu l’impression de me mettre dans la peau de mon père. Les baskets ont été pour moi une façon d’exprimer une personnalité un peu plus sportive. C’est aussi un élément très visible avec lequel je peux jouer.

Grâce a son toit bi-ton, Il y a 90 combinaisons de teintes extérieures sur Nouveau Captur. Comment imagine-t-on de nouvelles couleurs ?

La vocation d’un designer, c’est de rendre la vie plus belle. Ça commence avec les couleurs, il faut que ça rayonne. Chez Renault, on joue sur la couleur comme un axe d’identité forte de la marque, nous avons l’ambition de mettre plus de couleur dans la rue. Nous cherchons des couleurs chaleureuses, vivantes. La teinte Orange Atacama de Nouveau Captur en est une bonne illustration. L’avantage d’une voiture qui se laisse personnaliser est qu’elle est prête à utiliser une large palette de couleurs. La forme de la carrosserie a été pensée pour que la lumière y joue un rôle important. On se laisse influencer par les tendances, ce qu’on voit dans la mode notamment.

Il y a beaucoup plus de liens entre la chaussure et la voiture qu’on ne l’imagine au début : la semelle c’est un peu le segment de la voiture (urbain, baroudeur, etc.), le dessus de la chaussure représente en quelque sorte la carrosserie, les lacets signent le modèle comme une calandre… Il y a un lien naturel entre les deux. On parle souvent de l’influence de l’architecture dans l’automobile mais avec une chaussure, le lien est encore plus étroit : on met une marque sur une chaussure comme on le fait sur une voiture, par exemple. La chaussure est un objet qui paraît simple mais beaucoup de choses se communiquent via cet accessoire. On dit souvent qu’il faut regarder la montre et les chaussures d’une personne pour en savoir plus sur sa personnalité.

Est-il plus facile de personnaliser des baskets ou une voiture ?

Lorsqu’une voiture est conçue pour être personnalisable, ça devient un jeu de se configurer la sienne. Les chaussures, c’est pareil. D’ailleurs, tous les modèles ne sont pas personnalisables, il faut une chaussure assez basique dans son design pour que ça fonctionne sinon ça devient compliqué, c’est la strate de trop. Il faut soigner les proportions, le graphisme.

N’est-il pas frustrant de ne pouvoir jouer que sur les couleurs et les matières ?

La créativité a besoin de contraintes. Sinon tu deviens un artiste. Pour moi c’est un challenge positif d’utiliser le même type de chaussure et d’inventer à chaque fois une nouvelle personnalisation.

Peut-on imaginer que vous personnalisiez l’intérieur de vos chaussures à la manière d’un habitacle ?

Conceptuellement c’est tout à fait possible mais je ne suis pas sûr qu’une chaussure transparente soit très attractive. Cela dit, il ne faut pas sous-estimer l’intérieur d’une chaussure même si on ne le voit pas de l’extérieur. D’une part, toi tu le vois quand tu mets ta chaussure. Et puis ça me rappelle la présentation d’un sac par Coco Chanel. A l’intérieur, il était très beau, extrêmement bien fini, c’était presque une surprise à chaque fois que tu l’ouvrais. C’était une intention, offrir une complicité entre le sac et toi, quelque chose que personne d’autre ne sait, c’est intéressant.

Pourquoi le coq sportif ?

Ce partenariat s’est imposé de lui-même. Je les avais déjà rencontrés sur une épreuve de Formule 1, ça fait maintenant 2 ans qu’ils sont partenaires de Renault F1 Team. Je trouvais la marque très attractive. Et ils avaient la capacité d’aller plus loin dans la démarche de personnalisation. Ils sont en mesure de réaliser des prototypes sur mesure. Avec le coq sportif, on est passé du prêt à porter à la haute couture. Mes modèles sont maintenant uniques.

Comment conçoit-on une paire de baskets personnalisée ?

C’est un travail d’équipe. Nous avons visité le centre de design du coq sportif à Paris pour nous approprier les techniques qu’ils utilisent. Ça nous a permis de comprendre ce qu’il est possible de faire et ce qui ne l’est pas. Je travaille main dans la main avec François Blanchard, un designer Renault, et le process de création est pratiquement le même que celui d’une voiture : on fait un briefing pour voir où on veut aller, le résultat que l’on vise, on fait quelques croquis, on choisit une direction puis on exécute. C’est un petit projet parallèle au développement de la voiture.

Quelle a été votre première paire de baskets chez renault ?

Mes premiers sneakers ont été une paire d’Adidas en phase avec le concept-car DeZir. C’était la première voiture que nous avons créée après mon arrivée chez Renault. Elle portait les gènes de notre stratégie design et a d’ailleurs inspiré notre gamme de voitures de série aujourd’hui dans la rue. Je tiens beaucoup à cette chaussure même si elle est maintenant abimée.

Combien en avez-vous ?

Dur à dire, ça change tout le temps ! Vous verrez 12 paires en photo lors de l’événement à l’Atelier Renault mais j’en ai plus de 20. Je les mets dans la vie de tous les jours. Tout comme une voiture qu’il faut conduire, les chaussures il faut les porter.

Si vous deviez créer une paire de baskets de toutes pièces, à quoi ressemblerait-elle ?

J’aimerais bien faire un modèle beaucoup plus avancé. Qui resterait simple et confortable mais qui irait plus loin dans le choix des matériaux, peut-être du métal flexible, de l’impression 3D. Et pourquoi ne pas les rendre « connectées » ? On parle beaucoup du côté vivant des voitures Renault et de la vie qui va avec. Je pense que pour rendre la chaussure plus vivante, on pourrait imaginer de jouer avec la lumière, la technologie, le mouvement, afin que la marche devienne une expérience encore plus sensorielle. J’aimerais aussi qu’elle soit 100 % recyclable. Et puis pourquoi ne pas imaginer une chaussure qui ne s’abime plus, qui peut chauffer ou refroidir les pieds en fonction de la saison ?

Vous avez créé la Twingo le coq sportif. Comment évoque-t’on une marque de chaussure sur un véhicule ?

Avec le coq sportif, l’exercice a été facilité par l’état d’esprit assez proche de nos deux univers. Nous partageons des valeurs, une proximité avec nos clients. Quant à leur univers, il est très iconique, immédiatement identifiable et très fort visuellement. Nous avons cherché à transcrire cette patte de design sur Twingo. Je trouve cette série limitée très réussie car on sent tout de suite que c’est le coq sportif sans avoir vu le logo.

Comment choisit-on un partenaire pour une série limitée ?

L’idée est que ça fasse sens. Il faut bien choisir la marque avec laquelle s’associer pour que cela renforce les deux images, prendre garde à ce qu’elles ne s’annulent pas. Il y a eu d’autres séries limitées Renault liées à la mode : la Twingo La parisienne, par exemple, ou le Captur Helly Hansen. Ce dernier était vraiment réussi en termes de positionnement de marque. C’est une voiture baroudeuse, Helly Hansen est une marque Outdoor. Les couleurs rouge et noir sont très marquées Helly Hansen. Quant aux textiles avec effets 3D, ils renforcent la sensation de robustesse.

Quelle est la difference entre etre designer automobile et etre designer de chaussures ?

Si on prend l’exemple de l’architecte, très souvent tu reconnais sa signature lorsqu’il crée un immeuble. Il suffit de regarder Frank Gehry, tu reconnais ses créations. C’est la même chose pour la haute couture, tu reconnais Jean-Paul Gaultier d’un autre créateur. En tant que designer, c’est important d’avoir une signature. Mais c’est différent dans l’industrie automobile parce que tu travailles pour une marque. Ton travail est réussi si on reconnaît la marque, pas ton style. Ce qui n’empêche pas d’avoir une personnalité dans les véhicules que tu signes. Porter des chaussures remarquables ou tout autre accessoire permet d’avoir une expression personnelle complémentaire. Je suis devenu designer parce que j’avais un poster de Ferrari dans ma chambre d’enfant, je me disais que j’aimerais dessiner et conduire des voitures comme ça. C’est un rêve de gosse, tu rêves de devenir pilote ou designer automobile et c’est ça qui déclenche cette envie. En tant que designer automobile, tu touches énormément de disciplines du design. L’automobile, ce sont 500 produits que tu crées en même temps. Toutes les formes du design sont intégrées : le design produit, architectural, la sculpture, le travail des couleurs et matières, de la lumière, le mobilier, la technologie, etc. Designer automobile c’est le monde parfait du design parce que tu fais la synthèse de tous les designs possibles. C’est compliqué mais passionnant. C’est pour ça que le pas entre l’automobile et les baskets n’est pas si grand, on intègre déjà ce métier dans nos conceptions.

Quelle est la paire de baskets que VOUS portez le plus ?

Celle qui me rappelle comment a commencé mon aventure avec Renault : mes Adidas liées à DeZir. Ce concept-car et la Clio IV auront toujours une place spéciale dans mon cœur parce que ce sont mes premières expériences chez Renault. Ce sont des voitures pleines d’âme, de cœur, qui ont préfiguré tout ce qui est venu après. C’est un peu comme un premier amour, tu ne l’oublies jamais.

Un mot sur votre prochaine paire ?

On travaille avec le coq sportif sur la prochaine paire… On vous réserve une surprise dans les mois à venir. Seul indice que je peux vous donner : il y a du jaune…

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