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lundi, août 11, 2025
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    Renault à l’heure des choix stratégiques

    Le départ soudain de Luca de Meo et la nomination de François Provost à la tête de Renault marquent une étape cruciale pour le constructeur français. Ancien directeur des Achats, des Partenariats et des Affaires Publiques, le nouveau patron prend les commandes dans un moment où le groupe avance sur un plan de relance ambitieux, mais encore fragile. L’environnement automobile actuel ne laisse aucune marge d’erreur : concurrence mondiale exacerbée, course à l’électrique, nouvelles normes, coûts industriels en hausse. Chaque décision comptera.

    Combler un retard stratégique dans l’électrique

    La priorité, c’est la gamme familiale zéro émission. Renault doit remplacer rapidement la Mégane E-Tech et le Scénic E-Tech, tout en préparant une version électrifiée de l’Austral. Ces modèles reposeront sur une architecture 800 volts, désormais incontournable pour rivaliser avec les ténors du marché comme Hyundai Ioniq 6 ou Kia EV9.

    Ce saut technologique ne se limite pas à la fiche technique. Il impose des systèmes de recharge ultra-rapide capables de délivrer jusqu’à 350 kW : 300 kilomètres récupérés en moins d’un quart d’heure. Un atout commercial décisif, mais aussi un terrain miné. Les précédentes transitions technologiques chez Renault ont parfois laissé des traces en matière de fiabilité. François Provost devra s’assurer que la montée en puissance technique se fasse sans compromis sur la robustesse.

    Clarifier une organisation éclatée

    Luca de Meo laisse derrière lui une structure fragmentée. Ampere pour l’électrique, Horse pour les moteurs thermiques, Flexis pour les utilitaires… et la marque Mobilize pour la micro-mobilité.
    Sur le papier, la stratégie semblait claire : spécialiser chaque entité pour gagner en efficacité. Dans la pratique, le résultat est plus nuancé. Mobilize, par exemple, avec son Duo électrique, plafonne à moins de 500 ventes mensuelles en France.
    François Provost pourrait être tenté par une rationalisation. Réduire le nombre d’unités, réallouer les ressources, accélérer les projets essentiels : batteries LFP pour réduire les coûts de 15 à 20 %, modèles grand public abordables, et innovations à fort potentiel industriel.

    Gérer un maillage complexe de partenariats

    La taille de Renault, modeste face aux géants mondiaux, pousse à multiplier les alliances. Avec Volvo et CMA-CGM sur les utilitaires électriques. Avec Geely pour les hybrides. Avec Nissan, encore, malgré une alliance qui s’effrite.
    Ces partenariats permettent de partager des milliards d’euros de développement. Mais ils exposent aussi à des dépendances stratégiques. L’exemple Renault-Nissan reste un rappel sévère : un équilibre instable peut vite devenir un handicap.
    Pour François Provost, l’enjeu sera de préserver l’indépendance technologique du groupe, tout en capitalisant sur les synergies utiles. Un exercice d’équilibriste.

    Dacia : rester abordable, malgré tout

    La marque roumaine, longtemps pilier du low-cost, glisse doucement vers le segment intermédiaire. Le futur Bigster hybride, à partir de 29 000 euros, illustre cette évolution.
    Si la montée en gamme répond aux contraintes réglementaires et à la demande croissante de confort, elle risque aussi de faire fuir la clientèle historique. Face aux offensives tarifaires de MG ou BYD, Dacia devra rester compétitive.
    Le plan stratégique attendu fin 2025 pourrait intégrer des batteries sodium-ion, moins coûteuses, pour maintenir des prix attractifs sans sacrifier l’autonomie ni la conformité aux normes.

    Alpine : ajuster le cap électrique

    La décision d’un 100 % électrique dès 2030 soulève des doutes. Le marché des sportives reste attaché au thermique. Les chiffres le confirment : l’A290 électrique ne s’est écoulée qu’à 800 unités en trois mois.
    Provost pourrait assouplir cette trajectoire. Les projets pour le marché américain, initialement centrés sur des modèles électriques haute performance, pourraient intégrer des hybrides.
    Ce virage offrirait une flexibilité stratégique, en adaptant l’offre aux réalités de la demande plutôt qu’aux seules ambitions d’image.

    Une décennie à risque

    Avec sept nouveaux modèles prévus d’ici 2030, Renault entre dans une période de forte intensité industrielle et financière. Chaque lancement devra réussir, chaque investissement porter ses fruits.
    François Provost, réputé pour sa gestion discrète et technique, devra maintenir l’élan initié tout en sécurisant les projets à long terme. La mission est claire : réussir la transition électrique sans diluer l’ADN du Losange ni briser la dynamique commerciale retrouvée.

    Si Renault rate ce virage, le marché ne lui pardonnera pas. Mais s’il le réussit, le constructeur pourrait revenir dans le peloton de tête de l’industrie automobile mondiale — et cette fois, pour y rester.

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    Faris Bouchaala
    Faris Bouchaala
    Journaliste Automobile - Rédacteur en Chef Adjoint
    Grand passionné d’automobile depuis mon enfance, mon objectif au quotidien était de trouver le moyen d'arracher le volant à mon père. Très peu de gens ont la possibilité de transformer leur passion en une carrière, et il se trouve que je suis l'un de ces quelques privilégiés. J’ai rejoint la presse spécialisée en 2010, après un parcours totalement loin du domaine, car au final c’est la passion qui l’emporte.

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