Histoire Alpine Sport Automobile
Histoire Alpine Sport Automobile

La marque Alpine fait son grand retour dans le sport automobile et s’engagera à l’avenir dans deux séries majeures : L’écurie Alpine F1 Team roulera en 2021 dans la catégorie reine, alignant le double champion du monde Fernando Alonso et Esteban Ocon sur la ligne de départ. La saison prochaine, la marque culte prendra également le départ du Championnat du monde d’endurance FIA dans la catégorie LMP1, sous le nom d’« Alpine Endurance Team ». La marque de voitures de sport du Groupe Renault dévoile ainsi ses ambitions et renoue avec ses succès sportifs passés. C’est en rallye qu’Alpine a fêté ses premières grandes victoires, en remportant le Championnat international de rallye des constructeurs en 1971 et le Championnat du monde de rallye en 1973. Alpine s’est également engagée dans le passé dans le sport automobile d’endurance, a remporté des victoires dans différentes Formules et a soutenu Renault dans les premières années de son engagement en Formule 1.

À ses débuts, pour Alpine, le sport automobile était surtout synonyme de rallye. Le nom de la marque suffit à rappeler la victoire de catégorie de Jean Rédélé à la Coupe des Alpes de 1954. Ce pilote passionné de rallye envoya ses premiers véhicules en course, à peine étaient-ils produits. C’est ainsi que débuta la carrière de la première née de Rédélé, l’Alpine A106, et ce fut un coup d’éclat : la victoire dans la catégorie des 750 centimètres cubes au Mille Miglia 1956, avec Jean-Claude Galtier et Maurice Michy au volant. En 1960, Jacques Féret et Jacques Rambaud remportent le Rallye Monte Carlo à bord de l’A106 dans la catégorie des véhicules GT de moins de 1000 centimètres cubes.

Le modèle suivant, l’A108, se défend parfaitement sur les pistes de rallye, comme le montrent sa victoire de catégorie au Rallye des Routes du Nord 1961, sa quatrième place au classement général de la Coupe des Alpes obtenue la même année, et sa victoire de catégorie au Tour de France automobile de 1962.

ALPINE A110 : UN SUJET BRÛLANT DANS LE MONDE DU RALLYE
L’A108, la « berlinette du Tour de France », reprend le design et les caractéristiques techniques de la berlinette A110 qui fêtera sa première en 1962, incarnant tout simplement le modèle sportif à succès de la marque Alpine. Avec des victoires de catégorie au Rallye des Lions en Normandie, au Rallye Lyon–Charbonnières–Stuttgart et au Tour de France automobile, le bolide bleu réalise une entrée remarquée dans le sport automobile en 1963. Jacques Féret remporte le titre de vice-champion du Championnat de rallye français dans la catégorie GT. L’A110 démontre son potentiel l’année suivante avec une victoire de catégorie au Rallye Monte Carlo et au Rallye des Routes du Nord. Elle y remporte la victoire au classement général face à des adversaires bien plus puissants tels que Ferrari, Jaguar et Aston Martin. À la fin de l’année 1964, elle obtient la place de vice-championne au classement général du Championnat de rallye français.

LA PUISSANCE AUGMENTE, ET LES VICTOIRES AUSSI
Dans les années suivantes, l’A110 gagne en puissance. 1965 voit l’apparition de l’A110 1300 S, qui génère une puissance de 120 ch pour une cylindrée de 1,3 litre sans compresseur et atteint une vitesse de 228 km/h. La berlinette fait sans arrêt beaucoup parler d’elle et obtient de bons classements sur les pistes de rallye françaises. Ainsi, pas moins de quatre A110 occupent les premières places au prestigieux Critérium des Cévennes, dans la catégorie Prototypes/voitures de sport. Le concurrent le plus sérieux de l’écurie de Dieppe durant ces années est justement Renault, avec sa R 8 Gordini. Au rallye de Corse de 1965, que l’A110 achève à la seconde place, les cinq premiers véhicules du classement final sont équipés de moteurs Renault.

Les années suivantes sont également marquées par de nombreuses victoires en rallye. En 1966, l’A110 et son pilote Jean-Pierre Hanrioud obtiennent la deuxième place au Championnat de rallye français, et à partir de 1967, Gérard Larousse prend le volant pour l’écurie dieppoise et devient rapidement le numéro 1 de l’équipe. Dès le début de la saison 1968, il manque de peu la victoire au classement général du Rallye Monte-Carlo. Sans penser aux conséquences, des spectateurs pellettent de la neige fraîche juste derrière un virage afin d’augmenter encore le suspens. Conséquence: Larousse, qui était largement en tête, perd le contrôle du véhicule et fait une sortie de route. Ce fut certes un échec mais également un avant-goût laissant présager les victoires à venir de l’A110 en rallye.

UN ABONNEMENT PERMANENT AU CHAMPIONNAT NATIONAL DE RALLYE
Au niveau national, Alpine atteint enfin son apogée en 1968: le deuxième homme de l’équipe, Jean-Claude Andruet, remporte le Championnat de rallye français. Jusqu’en 1975, l’A110 ne cèdera plus ce titre. À d’autres égards également, l’année 1968 est une année particulière pour Alpine: Renault place l’ensemble de ses activités dans le sport automobile entre les mains de l’entreprise de Rédélé. L’accent principal est mis sur le rallye. Renault met sur pied un service hors du commun : Même les ateliers agréés soutiennent à présent les pilotes d’usine. Au Tour de Corse de 1969, Alpine est représentée par seize A110 en tout. La saison 1969 est marquée par un duel passionnant, opposant le pilote d’Alpine Jean Vinatier et Gérard Larousse qui a rejoint Porsche. Au final, la victoire du championnat français reviendra à Dieppe. Dans le Championnat européen des constructeurs, l’équipe de Jean Rédélé parvient à remporter deux victoires importantes : la Coupe des Alpes et le Rallye Munich-Vienne-Budapest.

L’A110 1600 S REJOINT L’ÉLITE INTERNATIONALE
En 1969, Alpine rehausse une fois de plus le niveau de sa performance en présentant l’A110 1600 S. Son moteur de 1,6 litre repris de la R16 TS génère 138 ch et peut atteindre 225 km/h en fonction des rapports de la boîte de vitesse. Avec la nouvelle motorisation, la berlinette s’avère être extrêmement compétitive. En 1970, Jean-Claude Andruet remporte avec l’A110 1600 S le Championnat d’Europe de rallye, à l’époque la catégorie reine du rallye automobile. Avec le Rallye San Remo et le Rallye de l’Acropole, l’écurie officielle remporte également deux courses prestigieuses du Championnat international des constructeurs. Alpine a définitivement rejoint l’élite mondiale du rallye automobile.

1971 est une autre année majeure pour la marque française : avec quatre victoires du pilote suédois Ove Andersson, l’A110 1600 S remporte facilement le Championnat international des constructeurs. La triple victoire au Rallye Monte-Carlo fait partie des moments forts de la saison : Andersson et son coéquipier David Stone, Jean-Luc Thérier/Marcel Callewaert et Jean-Claude Andruet/Michel Vial occupent les trois marches du podium.

UNE PREMIÈRE RÉUSSIE POUR LE TURBO DE L’A110
Malgré plusieurs classements satisfaisants, Alpine ne parvient pas en 1972 à renouer avec les résultats de l’année précédente. Pourtant, l’équipe française marquera l’histoire cette année-là : en gagnant le Critérium des Cévennes, Jean-Luc Thérier et Marcel Callewaert parviennent à remporter la première victoire d’un véhicule à turbocompresseur dans le sport automobile européen. Alpine équipe en effet une A110 1600 S d’un mono-turbocompresseur, qui accroît la puissance du quatre cylindres à 240 ch. Pour des raisons de sécurité, la pression de compression est réduite pour l’utilisation en course, de sorte que le véhicule n’offre «que» 200 ch. La poussée du turbo tardive et brutale est toutefois la garante d’une danse torride sur les pistes.

LA MARCHE TRIOMPHALE VERS LE TITRE DE CHAMPION DU MONDE
Après une année 1972 plutôt décevante, l’A110 connaît en 1973 une véritable marche triomphale sur les pistes de rallye. La Fédération Internationale de l’Automobile FIA annonce pour la première fois l’organisation d’un Championnat du monde de rallye. Parmi les 13 courses comptant pour le championnat, Alpine participe à huit d’entre-elles et en remporte six. Alpine s’octroie ainsi allègrement le titre de champion du monde. On remarquera la nouvelle triple victoire au Rallye Monte Carlo de Jean-Claude Andruet/Michèle Espinosi-Petit, d’Ove Andersson/Jean Todt et de Jean-Pierre Nicolas/Michel Vial. Les «mousquetaires» comme les appelle la presse internationale, remportent une nouvelle fois un triple triomphe au Tour de Corse. La Corse est de toute façon un terrain favorable pour l’A110. Le bolide de Dieppe s’assure ici la première place lors des éditions de 1968, 1970, 1972 et 1973. L’A110 devient en outre une véritable gagnante en série au Rallye Lyon–Charbonnières (1968, 1969, 1970, 1971, 1972), à la Coupe des Alpes (1968, 1969, 1971), au Rallye de l’Acropole (1970, 1971, 1973) et au Rallye San Remo (1970, 1971, 1973).

L’AVENTURE DU MANS
Après la victoire au Championnat du monde de rallye et la reprise par Renault en 1973, Alpine se fixe un nouvel objectif: remporter les 24 heures du Mans. Pour le constructeur de voitures de sport, le circuit de la Sarthe n’est plus une terra incognita depuis longtemps. Dès les années 60, l’A110 et d’autres prototypes de l’entreprise y ont pris le départ. Il s’agissait toutefois de victoires de catégorie. La jeune marque manquait encore de ressources et de moteurs pour prétendre à la victoire au classement général.

Alpine se rend pour la première fois au Mans en 1963, avec trois prototypes M63 de nouvelle conception. Le M du nom représente Le Mans, et le chiffre 63 l’année. La conception du véhicule de la catégorie des 1000 centimètres cubes avait été à l’origine mandatée à Len Terry, constructeur en chef de Lotus. Comme le concept-car ne répond pas au règlement du Mans, modifié entretemps, il doit être totalement modifié par Alpine et se voit doté de son design caractéristique : le hayon aérodynamique allongé. La carrosserie optimisée en soufflerie est composée de plastique, comme c’est déjà le cas chez Alpine. La carrosserie renferme un châssis tubulaire central, reprenant ainsi le style des véhicules de série d’Alpine. Un moteur de 996 centimètres cubes conçu par Amédée Gordini, inspiré du moteur de la Renault 8 Gordini et générant 95 ch, fait office de motorisation. La vitesse de pointe sur la longue ligne droite des Hunaudières atteint 232 km/h. Les débuts au Mans finissent tragiquement pour l’équipe de Dieppe : le pilote d’Alpine Bino Heins, directeur de course de Willys Overland où Alpine a fait construire l’A108 sous licence, dérape sur une flaque d’huile et meurt accidentellement. Les deux autres M63 doivent s’arrêter.

VERS LA VICTOIRE DE CATÉGORIE AVEC LA M64
En 1964, Alpine fait une nouvelle tentative au Mans. Malgré sa ressemblance avec le prototype de l’année précédente, la M64 est d’une toute nouvelle conception. Dorénavant, un cadre à structure tubulaire particulièrement rigide et ne pesant que 40 kilogrammes fait office de châssis. La carrosserie en plastique de cette voiture de course a été optimisée en termes d’aérodynamisme et deux groupes motopropulseurs sont disponibles au choix : un moteur de 1001 centimètres cubes, et un moteur de 1149 centimètres cubes, les deux étant une nouvelle fois issus de la R 8 et affûtés par Gordini. L’excellente aérodynamique permet d’atteindre une vitesse maximale de 240 km/h.

Alpine aligne au départ trois M64 et une M63. Au final, la M64 de Roger de Lageneste et Henry Morrough arrive à la 17ième place du classement général et remporte ainsi la victoire de la catégorie des prototypes de 1001 à 1149 centimètres cubes. De plus, le duo obtient pour Alpine la première place du classement à l’indice de performance : Pour une vitesse moyenne de 163,176 km/h, leur M64 consomme 13,16 litres aux 100 kilomètres.

M65: UNE VOITURE, QUATRE MOTEURS
Pour la saison 1965, Alpine poursuit le développement de la M64 pour aboutir à la M65. Les caractéristiques les plus importantes du nouveau bolide sont deux énormes ailerons arrière qui assurent une meilleure stabilité en ligne droite. De plus, le cadre à structure tubulaire et le châssis sont modifiés et le véhicule bénéficie de nouveaux moteurs Gordini qui ne sont plus basés sur les moteurs de série de Renault. Leur particularité est leur mode de construction modulaire. Amédée Gordini peut ainsi réaliser sur une base commune des cylindrées de 998, 1005 et 1296, voire de 1470 centimètres cubes dans une version ultérieure. Le modèle à 1,3 litre est exclusivement utilisé dans la M65. Il génère 135 ch et permet une vitesse de pointe de 250 km/h.

Alpine aligne au Mans au total six véhicules: deux M65 1300, deux M64 1150, une M63 dotée d’un châssis de M64, et enfin une berlinette A110 équipée de la carrosserie de la M64. Malgré sa forte présence, l’équipe repartira bredouille cette fois-ci. Les victoires de catégorie aux Douze heures de Reims et à la course de 500 kilomètres du Nürburgring adoucissent la fin d’une saison difficile et témoignent du potentiel de la M65 1300.

1966: DE RETOUR SUR LA VOIE DU SUCCÈS AVEC L’A210
Alpine présente en 1966 le successeur de la M65: l’A210. Ce nouveau prototype sera utilisé jusqu’en 1968 avec une multitude de motorisations différentes. Les principales modifications apportées par rapport à son prédécesseur concernent la suspension. En revanche, le châssis et l’aérodynamisme n’ont subi pratiquement aucune modification. Pour Alpine et l’A210, les 24 heures du Mans de 1966 sont un triomphe. Quatre des six A210 au départ passent l’arrivée. Henri Grandsire et Leo Cella obtiennent une excellente neuvième place au classement général, et une victoire dans la catégorie des prototypes de 1151 à 1300 centimètres cubes. Les autres tandems d’Alpine termineront la course aux 11e, 12e et 13e places. Les pilotes de l’A210 Jacques Cheinisse et Roger de Lageneste décrochent la première place du classement par indice de performance. Pour une vitesse moyenne de 171,852 km/h, leur Alpine consomme à peine 14,79 litres de carburant aux 100 kilomètres. Aux deuxième et troisième places de l’indice de performance se trouvent leurs collègues d’Alpine Mauro Bianchi/Jean Vinatier et Guy Verrier/Robert Bouharde.

Outre la variante de 1,3 litre, Alpine laisse en 1967 l’A210 prendre également le départ, avec le moteur de 1,5 litre issu de la structure modulaire de Gordini. Le quatre cylindre génère 156 ou 160 ch selon qu’il s’agisse d’un moteur à carburateur ou à injection, et propulse le prototype à une vitesse de plus de 270 km/h. Jean Rédélé inscrit au total huit véhicules au départ du Mans. Quatre d’entre eux atteindront la ligne d’arrivée après 24 heures. Le meilleur pilote d’Alpine est de nouveau Henri Grandsire, qui avec José Rosinski, réitère sa neuvième place de l’année précédente avec le type 1300. Avec les places 10, 12 et 13, les autres équipages de l’A210 réitèrent également pratiquement le résultat de l’année 1966. Toutefois, il n’y aura cette fois pour l’équipe de Dieppe aucune victoire dans l’un des indices de performance.

A211 ET A220: POUR LA PREMIÈRE FOIS AVEC UN V8
La réussite d’Alpine dans les petites catégories de cylindrée motive Alpine et Renault pour obtenir davantage au classement général du Mans. Dans cette optique, les deux constructeurs mandatent Gordini pour concevoir un moteur V8 de trois litres, qui puisse convenir à la fois pour la série et pour la compétition de prototypes. Le huit cylindres du légendaire motoriste dispose de quatre arbres à cames en tête, d’un positionnement des cylindres à 90 degrés et d’une puissance d’environ 300 ch, une puissance qui passera même à 350 ch dans les versions ultérieures à injection. Il va de soi que le châssis de l’A210 requiert alors des modifications, qui donnent naissance à l’A211. Avec son moteur performant de trois litres, elle dépasse certes les 315 km/h, mais Rédélé et son équipe constatent rapidement que le véhicule prévu à l’origine pour recevoir un quatre cylindres présente encore des dimensions trop petites pour accueillir le nouveau moteur. En conséquence, ils conçoivent à toute vitesse l’A220, qui est dotée d’un châssis et d’un train de roulement spécialement adaptés, et d’un aérodynamisme modifié. Par rapport aux types A210 et A211, la nouvelle A220 est sensiblement plus longue, plus large et plus basse. Deux grandes grilles d’entrée d’air dans les flancs arrière caractérisent la vue latérale, alors que d’énormes caches de phares mettent en exergue la partie avant.

1968: ALPINE PRÉSENTE UN CONTINGENT RECORD AU DÉPART DU MANS
La révolte étudiante de mai 1968 entraîne l’ajournement des 24 heures du Mans au mois de septembre, de sorte qu’il reste suffisamment de temps à Alpine pour achever la préparation des A220 pour ce grand évènement de sport automobile. Après une troisième place remportée par une A211 aux 1000 kilomètres de Monza, l’équipe d’Alpine part pour le circuit sarthois, persuadée du potentiel du nouveau moteur 3 litres. Rédélé laissera onze véhicules prendre le départ : quatre A220, cinq A210 et deux A110. Jean Vinatier et André de Cortanze, à bord de l’A220, atteignent certes une huitième place honorable, mais les autres Alpine de 3 litres sont victimes de défauts de jeunesse et doivent abandonner la course. Toutefois, les A210 plus anciennes atteignent les places 9, 10, 11 et 14 et remportent dans les classements d’index de performance l’efficience et le rapport de la performance du moteur par rapport à la distance parcourue.

1969: RENAULT QUITTE LE MONDE DES COURSES D’ENDURANCE
En 1968, les 24 Heures du Mans ont montré que l’écart avec la concurrence allemande, américaine et italienne était important. En outre, Alpine et Renault doivent faire face à un nouveau concurrent national, Matra, qui bénéficie de financements publics considérables pour ses projets de sport automobile. Renault, Alpine et Gordini n’obtiennent, eux, aucune subvention. Par conséquent, Rédélé et son équipe revoient à la baisse leurs ambitions de victoire aux 24 Heures du Mans. La réalité confirme leurs doutes. En 1969, Alpine prend le départ de la légendaire course sarthoise avec quatre A210 et quatre A220. Sur les huit voitures engagées, sept abandonnent. Seule une A210 avec un moteur 1 litre franchit la ligne d’arrivée en douzième position et remporte la première place de sa catégorie. Le patron d’Alpine, Rédélé, en tire les conséquences et quitte le championnat de prototype. Cette décision est d’autant plus facile à prendre que la A110 fait parler d’elle sur les rallyes et qu’investir dans cette catégorie est tout aussi intéressant.

1973 : RETOUR RÉUSSI DANS LE MONDE DES PROTOTYPES SPORTIFS
Au début des années 70, alors que l’A110 domine l’univers du rallye, Alpine et son nouveau propriétaire Renault posent les bases d’un retour au Mans. La manufacture de Dieppe et le grand constructeur décident d’effectuer leur come-back dans les courses d’endurance dans le cadre des championnats d’Europe de voitures de sport 2 litres. Pour cela, en 1972, Gordini conçoit un moteur V6 2 litres avec un positionnement du cylindre à 90 degrés ainsi qu’une puissance d’environ 300 chevaux tandis qu’Alpine développe un nouveau prototype sportif, la A440. En 1973, dès la première saison, cette association se distingue par ses bons résultats, mais rencontre des problèmes de fiabilité.

L’année suivante, la nouvelle A441 va changer la donne. Celle-ci mesure en largeur quasiment deux centimètres de moins que le modèle précédent, le châssis est modifié, le moteur déplacé en direction du centre du véhicule, directement derrière le dos du conducteur, et le refroidisseur d’huile se retrouve à l’avant. Alain Cudini remporte la première course de la saison 1974 au Castellet. C’est le début d’une série de succès uniques qui culmine durant le deuxième semestre avec sept victoires d’affilée. En plus de Cudini, Gérard Larousse, Jean-Pierre Jabouille et Alain Serpaggi, qui remporte également le championnat du monde des conducteurs, remportent de nombreuses victoires.

RETOUR AU MANS AVEC UN MOTEUR À TURBOCOMPRESSEUR
En 1975, les succès de la A441 poussent Renault à équiper le moteur 2 litres d’un turbocompresseur et d’intégrer la catégorie supérieure au championnat du monde des constructeurs et au Mans. Le véhicule concerné, la A442, se trouve déjà sur la ligne de départ. Grâce à son turbocompresseur, il dispose de 490 chevaux, un nouveau record pour un véhicule Alpine ou Renault. Cependant, l’Automobile Club de l’Ouest, qui organise les 24 Heures du Mans, contrecarre les plans de Renault Alpine et d’autres écuries en instaurant une règlementation en contradiction avec le règlements de la FIA. Ainsi, les équipes doivent choisir entre participer aux 24 Heures du Mans ou au championnat du monde des constructeurs. Renault et Alpine choisissent cette seconde option et fêtent leur première victoire dès l’ouverture de la saison, lors des 1000 kilomètres du Mugello, en Italie. Durant cette course, les pilotes Larousse et Jabouille pilotent encore un modèle intermédiaire nommé A441T, correspondant dans les grandes lignes au modèle 441, mais comprenant déjà des éléments essentiels de l’A442.

UN CHEMIN VERS LA RÉUSSITE SEMÉ D’EMBUCHES
Le succès de Mugello constituera la dernière victoire d’une Renault Alpine lors d’une course d’endurance et pour trois ans. Durant cette période, la A442 se place certes souvent sur le podium, mais doit faire face à une concurrence rude et à beaucoup de malchance. Ainsi, en 1976, au Nürburgring, les pilotes de la A442 Patrick Depailler et Jean-Pierre Jabouille se catapultent eux-mêmes hors de la piste. A Imola, les pilotes Alpine, pourtant bien placés, font de nouveau une sortie de piste afin d’éviter des collisions avec des pilotes inexpérimentés, plus lents. La course du Mans, où le nouveau directeur de course Larousse ne fait participer qu’une A442 pilotée par Jean-Pierre Jabouille et Patrick Tambay, se termine prématurément par un problème technique.

En 1977, l’équipe Renault Alpine se focalise entièrement sur les 24 Heures du Mans. La participation sur le circuit de la Sarthe est parfaitement planifiée, rien n’est laissé au hasard. Au total, quatre A442 prennent le départ: trois automobiles d’usine et le véhicule d’une équipe privée. Avec Jean-Pierre Jabouille/Derek Bell, Patrick Depailler/Jacques Laffite et Patrick Tambay/Jean-Pierre Jaussaud, l’équipe envoie trois tandems de pilotes bien préparés sur la ligne de départ. Mais de nouveau, une série de pannes ôte à l’équipe Renault Alpine les rêves de victoire. Ce qui est particulièrement amer, c’est que Jabouille/Bell, derniers pilotes officiels encore en lice, sont en tête de la course lorsqu’ils subissent une panne moteur lors du 289ième tour. Une Mirage équipée du turbocompresseur Renault se classe deuxième au classement général, ce qui démontre le potentiel du moteur.

DES TESTS APPROFONDIS AFIN D’AMÉLIORER LA FIABILITÉ
Pour Renault Alpine, cette nouvelle défaite au Mans constitue un coup dur. L’équipe se remet au travail avec encore plus de détermination afin de préparer la prochaine participation en 1978. En novembre 1977, l’équipe réalise des tests à haute vitesse sur un circuit aux Etats-Unis. Il s’agit d’éviter les dommages de pistons sur la ligne droite des Hunaudières que la A442 parcourt pendant environ 50 secondes à une vitesse maximale supérieure à 350 km/h. Les résultats permettent la modification des moteurs précédents et la construction d’un unique moteur qui, avec une cylindrée de 2140 centimètres cubes, se situe tout juste dans les limites du règlement. Ce moteur devient la base de la nouvelle A443 dont le rôle avoué est de remporter la victoire au Mans. Un déflecteur d’air transparent et aérodynamique servant également de toit doit également y contribuer.

OBJECTIF ENFIN ATTEINT : LA VICTOIRE AU MANS EN 1978
En plus des A443 pilotées par Jean-Pierre Jabouille et Patrick Depailler, Renault Alpine envoie deux A442 sur la ligne de départ. Celles-ci sont pilotées par Didier Pironi/Jean-Pierre Jaussaud et Derek Bell/Jean-Pierre Jarier. Il faut y ajouter la A442 numéro trois encadrée par l’écurie privée Calberson avec le trio Fréquelin/Jean Ragnotti/José Dohlem derrière le volant.

Le suspens de la course est insoutenable. Les Renault Alpine occupent temporairement les places une, deux, trois et cinq du classement, mais Bell/Jarier puis Jabouille/Depailler, considérés comme les favoris au sein de l’écurie, doivent abandonner. Suite à cet abandon, Didier Pironi et Jean-Pierre Jaussaud prennent la tête de la course et ne seront plus rattrapés. Après 24 heures, ils offrent enfin à Renault et Alpine la victoire au Mans. Les deux Français et leur A442 franchissent la ligne d’arrivée avec cinq tours d’avance sur leurs poursuivants. L’écurie Calberson et sa A442 se classent à la quatrième place.

LES SUCCÈS EN FORMULE 3
Le patron d’Alpine, Rédélé, a pour ambition d’être présent dans autant de catégories de courses que possible. C’est pourquoi, en parallèle au projet des 24 Heures du Mans, il intègre la Formule 3 et la Formule 2 en 1964. Dès le départ, il mise également sur la technologie Renault déjà éprouvée dans les monoplaces. Les moteurs sont «tunés» par Gordini ou l’entreprise Le Moteur Moderne et affichent une puissance de 80 chevaux (Formule 3) et 105 chevaux (Formule 2). Tandis qu’en Formule 2, Alpine présente exclusivement des pilotes officiels sur la ligne de départ, la Formule 3 est ouverte aux écuries privées.

Dès la première saison, le pilote Alpine Henri Grandsire remporte le titre du championnat de France de Formule 3. En Formule 2, où l’on retrouve d’anciens champions du monde de Formule 1, le pilote officiel José Rosinki se classe à une respectable 13ième place. Ces débuts sont prometteurs, mais durant les années suivantes, Alpine a fort à faire face à la suprématie des équipes britanniques et du moteur Ford Cosworth. Cependant, en particulier en Formule 3, les monoplaces de Dieppe, pilotées par de jeunes talents comme Patrick Depailler, Jean-Pierre Jabouille et François Cevert, obtiennent régulièrement des succès d’estime. En 1971, l’heure est venue : Depailler remporte le championnat de France de Formule 3 avec la A360. Michel Leclère répète cet exploit en 1972.

DE LA FORMULE FRANCE À LA FORMULE RENAULT
La Formule 2 n’est pas placée sous une bonne étoile. En 1968, Alpine se retire pour s’orienter vers une nouvelle série de jeunes talents avec une catégorie située en-dessous de la Formule 3: la Formule France. Le moteur de la Renault 8 Gordini constitue l’unique moteur de cette série d’accès aux monoplaces. En Formule France, Alpine affronte d’autres constructeurs français de voitures de course comme Elina, Grac et Martini. En 1971, la série est rebaptisée Formule Renault et les pilotes Alpine deviennent des pilotes officiels. Commence alors la longue histoire du programme de promotion des jeunes talents de Renault : De nombreux champions du monde de Formule 1 comme Alain Prost, Sebastian Vettel, Fernando Alonso, Lewis Hamilton et Kimi Räikkönen feront leurs gammes en Formule Renault.

A350: LE RÊVE DE LA FORMULE 1
Alpine s’intéresse aussi à la Formule 1. En 1968, le fabricant de voitures de course construit même son propre monoplace de Formule 1 avec un moteur V8 3 litres de Gordini et répondant au code interne A350. Dans le plus strict secret, le pilote officiel Mauro Bianchi réalise des courses d’essai sur le circuit néerlandais de Zaandvoort. Conçue en collaboration avec des spécialistes de Michelin, la suspension des roues constitue une particularité du véhicule. Elle garantit que les roues restent toujours à la verticale par rapport à la chaussée. Ainsi, Bianchi atteste que cette monoplace se distingue par un excellent comportement de conduite. Cependant, le moteur d’Alpine, optimisé pour être fiable lors des courses d’endurance telles que les 24 Heures du Mans, manque de puissance. Renault est conscient de ce problème. Mais l’entreprise n’est pas encore prête à concevoir un moteur de course spécialement destiné à la Formule 1. Le projet est abandonné et les débuts dans la catégorie reine n’auront donc pas lieu.

DES DÉBUTS FRACASSANTS EN FORMULE 1 AVEC L’AIDE D’ALPINE
Jusqu’au milieu des années 1970, l’attitude de Renault concernant l’accès à la Formule 1 va considérablement évoluer. En 1976, Renault regroupe ses activités de sport automobile au sein du département Renault Sport dont le siège s’installe au centre de développement des moteurs de Gordini, à Viry-Châtillon. La décision d’étendre l’engagement en sport automobile à la Formule 1 est prise peu de temps après la création de l’unité. Parce qu’au sein de la catégorie reine du sport automobile, aucun constructeur n’a jusqu’à présent osé s’attaquer à cette technologie et parce que Renault a ainsi l’occasion de démontrer ses compétences techniques, le groupe mise sur la technologie du turbo. L’entreprise dispose déjà du moteur adapté, le V6 2 litres qui fait fureur dans les prototypes de sport Renault Alpine.

Comme la cylindrée est limitée par le règlement de Formule 1 à 1,5 litres pour les moteurs suralimentés, les ingénieurs Renault Sport réduisent le volume en conséquence. De manière similaire aux voitures de course du Mans, un unique turbocompresseur assure la ventilation des chambres à combustion. Il ne manque plus qu’un support d’essai pour le moteur, et c’est Alpine qui va le construire. Sous le nom d’usine A500, Jean-Pierre Jabouille teste le véhicule sur différents circuits français, en Espagne et en Afrique du sud en 1976 et 1977. L’attention n’est pas seulement portée au moteur, mais aussi au châssis. Descendante directe de l’A500, la Renault RS01 voit ainsi le jour. Celle-ci prend le départ du Grand Prix d’Angleterre de Formule 1 en tant que premier bolide à moteur turbocompressé.

2021: RETOUR DANS LA CATÉGORIE REINE ET SUR LES COURSES D’ENDURANCE
Plus de 40 ans plus tard, en 2020, Alpine annonce son retour en 2021 dans deux disciplines de sport automobile et souligne ainsi ses ambitions en tant que marque de voitures de sport du groupe Renault. A partir de la saison prochaine, l’écurie officielle de Formule 1 de Renault prendra le départ sous le nom d’Alpine F1 Team, et affichera une livrée aux couleurs du drapeau français, bleu, blanc, rouge. L’Espagnol Fernando Alonso et le Français Esteban Ocon s’installeront derrière le volant des deux monoplaces de l’écurie.

La saison prochaine, Alpine prendra aussi le départ du championnat du monde d’endurance (World Endurance Championship – WEC) dans la catégorie LMP1 sous le nom d’Alpine Endurance Team. Ces dernières années, Signatech-Alpine a déjà remporté de nombreux succès dans la catégorie LMP2 de ce championnat, dont trois fois le classement LMP2 des 24 Heures du Mans. Pour ce nouveau projet, Alpine utilisera un prototype Alpine LMP1 sur la base d’un châssis Oreca et d’un moteur Gibson. L’Alpine Endurance Team présentera le prototype LMP1 et les pilotes ces prochains mois, à l’occasion du démarrage de son programme de tests.

Patrick Marinoff, Directeur Général d’Alpine : « Le sport automobile est indissociable de la marque Alpine, dont la passion pour la compétition et l’esprit sportif est dans l’ADN. Le retour amorcé en Endurance dès 2013 marquait le début d’une aventure s’inscrivant dans la durée. Après huit années de succès face à certaines des meilleures équipes au monde, il est temps de franchir une nouvelle étape en défiant les constructeurs de la catégorie reine comme nous le ferons également en F1. Les dernières évolutions du règlement pour 2021 offrent l’occasion à Alpine de démontrer son savoir-faire technique et son expérience de la course dans un cadre équitable et compétitif, le tout grâce à un investissement mesuré rendu possible par la maîtrise des coûts. Ensemble, nous comptons donner du fil à retordre à des concurrents bien établis pour écrire de nouvelles pages dans l’histoire de cette grande marque née de la compétition pour la compétition qu’est Alpine et faire briller les couleurs françaises aux plus hauts niveaux du sport automobile. »