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Paris-GoodWood en Honda NSX – supercar, mode d’emploi.

Honda est une marque résolument à part. Son fondateur était une personnalité à part. L’entreprise qu’il a fondée et d’abord dédié à la seule fabrication des motos a connu un destin à part puisqu’elle est devenue leader mondial de la spécialité quelques années seulement après ses débuts. Et quand elle venue à l’automobile, elle l’a fait d’une façon à part.

Dans la succession de modèles sportifs remarquables frappés du H de Honda, la NSX est évidemment… à part.

D’abord, sa première arrivée, en 1989, sur le marché des GT les plus ambitieuses, a surpris. Ensuite ses prestations très souvent comparées à celles des Grand Tourisme les plus révérées, anglaises, allemandes et même italiennes, avaient aussi de quoi surprendre, émanant d’un constructeur qui subissait encore le préjugé antijaponais des arrogants Européens de 1980.

La NSX, avec son mode de construction tout aluminium (alors tout à fait révolutionnaire puisqu’aucune autre marque n’y aura recours avant cinq bons millésimes), avec son V6 qui inaugure les arbres à cames à diagramme variable, conjure l’habituel préjugé alors courant contre les ingénieurs japonais, selon lequel ils ne seraient que de simples copieurs. Mais évidemment les essayeurs et plus encore les clients attendent, pour juger, de conduire la voiture. Et là… non seulement la comparaison avec les GT les plus huppées tient toujours mais en plus elle est presque systématiquement à l’avantage de la Honda.
Après ce modèle marquant, les rumeurs quant à une seconde génération sont revenues cycliquement, la future « NSX 2 » aura été souvent annoncée pour « le prochain salon de Genève » et remise d’année en année et de prototype en prototype : les ingénieurs travaillaient.

Aujourd’hui, elle est là et, sur le papier, la fiche technique de la NSX a bien de quoi impressionner. Hybride, ce que l’on pourra un peu trop facilement juger « à la mode », elle en tire parti pour proposer une assistance à la tenue de route elle aussi inédite. En effet, si un moteur électrique est interposé dans la chaîne cinématique, entre moteur thermique et boîte de vitesse (neuf rapports), deux autres plus petits, sont disposés chacun dans une roue avant, qu’ils actionnent à la demande pour juguler tout patinage du train arrière, voire pour « récupérer » d’un coup d’accélérateur toute amorce de sous-virage. Là encore, la goguenardise du journaliste qui s’impatientait est prestement ravalée. Mais là encore, rien ne vaut le jugement sur pièce.

La voici enfin, devenue vraie, étendue sur le pavé parisien, offerte, prête à servir de voiture. Infiniment mieux que dans un salon, son style complexe, presque baroque, saute aux yeux. Un vrai dessin moderne, difficile à décrire. Chaque ligne entraîne l’œil qui veut la suivre dans des jeux de disparition et de résurgence. Mais « en dessous » de ces complications d’ailleurs très maîtrisées, l’équilibre des proportions est incontestable. La redoutable Honda n’est pas plus grande qu’une gentille Lotus Élise. Hasard ou chance, le bel exemplaire du service de presse Honda France ne nous est confié que bien avant dans la nuit, au retour d’un autre reportage. Nous n’aurons pas à nous colleter avec l’embouteillage parisien cette fois-ci.

« Les gens, il conviendrait de ne les connaître que disponibles, à certaines heures pâle de la nuit. » Et les voitures aussi, pourrait-on ajouter après Léo Ferré, qui a longtemps chanté dans ce Paris nocturne. Au souci de la route à faire et des photos à prendre se superpose un moment de vrai calme, à regarder cette vedette du salon donner rien que pour nous son numéro de charme. À vivre auprès de cet objet de haute qualité, issu d’une profonde réflexion et assemblé avec un soin pointilleux, c’est l’instant tout entier qui s’auréole de magie. À quoi donc sert une Supercar ? Et bien voici déjà une réponse qui vaudrait que l’on s’y attarde : à rendre magique ce qui l’entoure. L’univers étrange de Montmartre after hours, presque désert dès que l’on s’éloigne de la Place Blanche, est comme habité par ce fantôme rouge, lové sur son pavement.

Paris est belle, jamais autant que lorsqu’on sait que l’on va la quitter avant l’agitation grise de l’aurore. La Honda nous en donne le prétexte et à la fois le moyen.

Les premiers tours de roue sont toujours très instructifs pour qui prétend juger une voiture. Celle-ci se distingue d’emblée par sa nature serviable, sa docilité. En voilà une qui ne confond pas personnalité et mauvais caractère. La NSX apparaît vraiment pétrie de bonnes manières. Lorsqu’on la manœuvre en électrique, sans un bruit, portière ouverte pour mieux entendre les indications millimétrées de la photographe, elle vous convertirait à l’écologie ! Il est vrai qu’on n’est pas dans une Autolib, qui profite de l’absence de moteur pour déployer une obsédante bande-son de grins-grins et de cliquetis besogneux. Sans aucun bruit de roulement ni grognements auxiliaires, la NSX laisse juste entendre le chuintement des pneus qui collent de pavé en pavé.

Oui, je sais. Le paragraphe consacré au son est aujourd’hui un passage obligé, un morceau sacré de littérature automobile et mes camarades et néanmoins concurrents, fatiguent le dictionnaire à la recherche de noms rondement ronflants rendant au mieux l’idée des vociférations mécaniques hautement sophistiquées de nos petites montures. Ne vous inquiétez pas, la discrète Honda connaît aussi sa partition dans ce registre-là.

D’ailleurs, l’heure est venue d’avaler l’autoroute si nous voulons attraper la lumière du matin sur la côte et une navette pas trop tardive pour franchir la Manche.

Le protocole habituel veut que l’on abrège les préliminaires et que l’on saute à la performance concrète ; il y faut un circuit, éventuellement des instruments de mesure, à tout le moins un chronomètre. S’en dégage une hiérarchie aride et incontestable, une satisfaction conditionnée au fait que l’on a ou non franchi telle barre de mesure. Sentiment d’excellence si c’est le cas, ou bien d’échec. Avec nettement plus de 300 à l’heure en pointe et à peine trois secondes pour atteindre les 100 km/h, la NSX est assurée de sa place à n’importe quel Panthéon.

Plutôt que de borner notre relation à cette séance de brûle-pneus, nous visons plus haut : nouer un vrai contact, juger d’une personnalité dans l’intimité d’un vrai voyage. Passé la fascination pour la plastique et la satisfaction d’une ergonomie réellement adaptée – mieux : prévenante – le principal trait de caractère est encore la facilité. Quelle que soit la vitesse atteinte, la NSX répond sans esbroufe et sans détour, avec une sorte d’évidence.

Deux anecdotes vous rappellent tout de même la personnalité à part de votre véhicule du jour. D’abord, au moment d’embarquer dans les wagons du Shuttle, les employés en gilet orange vous détournent de la file ordinaire et vous amènent en tête de train, avec les camions : vous êtes trop large pour un wagon normal. La seconde ; à peine installé, les « trottoirs » intérieurs du train deviennent terriblement passants à hauteur de la NSX. Les badauds s’accumulent et se selfient à tout va. Les questions sont toujours les mêmes : « C’est quoi – ça doit consommer – ça vaut combien – ça roule à combien – combien de chevaux. » « Une Honda –moins de 10 litres aux 100 km à rythme raisonnable, 20 à rythme beaucoup, beaucoup moins raisonnable, ce qui est très peu – 197500 € – 581 chevaux – 308 km/h. »

Mais si l’on veut frimer et obtenir l’étonnement, l’autre chiffre à citer, c’est : quatre. Oui, quatre moteurs. Le prix aussi refroidit un peu les esprits, ou les échauffe. Jolie somme, c’est vrai, mais aujourd’hui nombre de GT croisent dans ces hautes eaux : la NSX apporte sa note dans ce beau concert, forcément très à part, c’est décidément sa vocation.

Sortie du Shuttle, penser à rouler à gauche et laisser filer.

Normalement, cette seconde partie du trajet ne doit rien révéler qu’un essayeur un peu entraîné n’aura perçu dès le premier “run”. Mais c’est méconnaître les lenteurs de l’entendement et plus encore celles de la sensibilité. Les premiers kilomètres, toujours, sont tendus par la nécessité professionnelle de se faire une opinion, de ramener un diagnostic, d’exprimer une sentence. Or, c’est ensuite, quand on sait que l’on a de quoi répondre aux exigences du lecteur que l’on laisse enfin remonter les plaisirs, et c’est finalement là que la vraie personnalité d’une auto se fait jour, loin des chronomètres crétins et des hiérarchies imbéciles. Une voiture, c’est une saveur.

Et cette NSX, pour compétente qu’elle soit chiffres en main, est tellement peu démonstrative que plus d’un collègue sera passé à côté. La NSX, en plus de son efficacité objective, de son acuité à prendre les cordes et de sa force de relance, a quelque chose que les autres n’ont pas, c’est une espèce de facilité dans le roulage. Comme ces vieilles autos légères et chaussées si étroit qu’il suffit de s’appuyer dessus pour les pousser. Pourtant, les Bridgestone géants ne font pas semblant d’être là… Peut-être est-ce l’électrique, qui filtrerait les sensations de roulement ? À mon tour je cherche un mot pour définir cette sensation bien spécifique ; smooth ? Décidément, disons plutôt : facilité. Comme si aucun cheval, aucun watt ne se perdait en frottement. Comme si les ingénieurs, non contents de la mettre au point, l’avaient longuement polie, à l’artisanale.

On a beau faire tous les détours possibles par les B-Roads anglaises, c’est-à-dire les départementales du cru, dont le gros chat se pourlèche et plus encore la photographe, la destination finit par se rapprocher. Et ce n’est pas qu’une bonne nouvelle… Heureusement, la perspective du spectacle adoucit la tristesse de la fin du voyage.

Quand vous arrivez à Goodwood, encore un signe de singularité. Vous avez droit au parking des supercars. Les concurrentes, elles sont là et vous apercevez immédiatement qu’il leur manque quelque chose : toutes figurent en plusieurs exemplaires et côtoient plusieurs modèles de la même marque, alors que, pour cette première sortie, la NSX est seule de sa race. Vu ses qualités, elle ne le restera pas longtemps. Depuis le parking sauvage le plus sélect du monde, la prairie est en pente douce et nous amène au bord du FOS : au sein du Goodwood Festival of Speed. Que du plaisir !

Mais, décidément très à part, la NSX fait partie des autos les plus difficiles à rendre qui me soient passées par les mains. Robert Puyal

“Les voitures basses sont toujours plus difficiles à photographier. Soit elles sont très petites dans le paysage, soit on en remplit l’image mais c’est souvent au prix d’une déformation. L’avantage d’un reportage au long cours, c’est que l’on peut montrer la silhouette sur certaines images et ensuite se contenter d’un détail en amorce ou de placer la voiture plus petite en privilégiant l’atmosphère. Avec ses proportions très justes et ses formes complexes et très travaillées, la NSX a vraiment beaucoup de présence. Toujours d’un point de vue strictement photographique, j’adore ce rouge brillant, même s’il gomme un peu le détail du style. Pour ce qui est de montrer les formes, selon le goût des designers avec lesquels j’ai beaucoup travaillé, notamment comme photographe du bureau de style de PSA, toutes les voitures seraient gris moyen ! C’est vrai mais, quant à moi, je trouve qu’une couleur aussi chaude donne un effet presque pictural, notamment quand le ciel est fort en reflets et que l’on place la voiture dans un “tableau” riche en teintes vertes, typiquement le paysage anglais. J’adore…”

Faris Bouchaala
Faris Bouchaala
Journaliste Automobile - Rédacteur en Chef Adjoint
Grand passionné d’automobile depuis mon enfance, mon objectif au quotidien était de trouver le moyen d'arracher le volant à mon père. Très peu de gens ont la possibilité de transformer leur passion en une carrière, et il se trouve que je suis l'un de ces quelques privilégiés. J’ai rejoint la presse spécialisée en 2010, après un parcours totalement loin du domaine, car au final c’est la passion qui l’emporte.

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